Claude Goasguen assigne en référé David Alphand : compte-rendu d'audience

Référé sur des tracts dans le 16e arrondissement : compte-rendu d’audience devant le juge des référés du TGI de Paris.


David Alphand était assigné en référé par Claude Goasguen le 25 mai 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris.


29 Mai 2012 06:00

Goasguen contre Alphand, audience du 25 mai 2012 en fin de matinée. Peu de monde au Palais de Justice de Paris. L’audience du référé contre David Alphand est prévue dans le cabinet de la première vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris.

Une affaire mouvementée où les avocats s’affrontent directement

A proximité de la petite salle où l’audience Goasguen contre Alphand va se tenir, les deux avocats commencent à s’affronter dans le couloir.

Maître Jean-Marc Fedida est l’avocat de Claude Goasguen.
Maître Arnaud Rougeau-Mauger est celui de David Alphand.

Maître Jean-Marc Fedida à Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « (...) Où sont vos conclusions ? (...) »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger à Maître Jean-Marc Fedida : « (...) On a été saisi tardivement (...) on soulève l’incompétence du tribunal (...) »

Maître Jean-Marc Fedida : « (...) Et le contradictoire ? (...) »

La porte du cabinet de la première vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris s’ouvre et l’audience de référé peut commencer. Il est 11h40. Elle est présidée par Madame David.

Claude Goasguen et David Alphand sont absents et représentés par leur avocat. Paris Tribune compose le public pour informer ses lecteurs.

Palais de justice de Paris le 25 mai 2012 - Photo : VD.
Moments choisis :

La présidente : « Où sont vos conclusions ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Nous avons été saisis très récemment et nous allons vous remettre à la fin de cette audience des pièces... »

La présidente : « Faites-moi voir vos conclusions ! (...) Vous voulez bien les signer s’il vous plaît ? Merci. »

Maître Jean-Marc Fedida : « Je n’ai pas connaissance des explications. »

La présidente : « C’est extraordinaire ! Il faut que je fasse un cours de procédure ! »

Maître Jean-Marc Fedida : « J’ai essayé de lui faire un cours dans le couloir... »

La présidente : « C’est extraordinaire ! (...) vous pouvez communiquer vos pièces ! (...) je n’ai jamais vu ça dans mon cabinet ! »

Maître Jean-Marc Fedida : « Jamais dans une audience ! »

Une présidente qui tient son audience.

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « On a été saisi hier. »

La présidente : « Le mail et le fax existent, il y a encore quelques feuilles de papier... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Nous n’avons pas pu matériellement... »

La présidente : « C’est un clic supplémentaire pour les envoyer... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Nous ne manquerons pas de le faire... »

La présidente : « ‘Nous ne manquerons pas de le faire’ ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous ne l’avez pas fait ! C’est ahurissant ! »

La présidente lit les conclusions du conseil de David Alphand.

Affiches sur le panneau électoral situé devant la mairie du 16e arrondissement citées pendant l'audience le 25 mai 2012 - Photo : VD.
Maître Jean-Marc Fedida s’adresse à Maître Arnaud Rougeau-Mauger en lui tendant des feuilles : « La constitution du 4 octobre 1958 connaît (...) »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Merci infiniment... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Alors votre attention, Madame la Présidente, sera attirée par la pièce qui faisait l’objet même de la sommation (...)
Au terme de mon assignation, je sollicitais la communication permettant d’identifier l’imprimeur. Un devis de l’imprimeur Dauer indique 11 100 euros HT pour l’impression de 40 000 feuilles format 14,8 cm x 11 cm.
Puisque nous sommes dans une procédure où le contradictoire est fait à la barre, est-ce qu’il s’agit bien des tracts en question et ce devis est bien celui des tracts ? »


La présidente : « C’est marqué ‘devis’ ou ‘facture’ ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Vous avez sur ce document les références de l’imprimeur... »

La présidente : « Le prix a été retenu... Quelles ont été les suites à ce devis ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « C’est la réponse faite qui est communiquée... »

Maître Jean-Marc Fedida : « C’est une pièce communiquée en bordereau ou non ? Ce n’est pas revêtu de votre tampon-encreur... moi je ne sais pas !
Vous avez fait enlever la totalité de cette communication. Donc cela veut dire que cette pièce est communiquée.
Votre pièce... je n’ai pas d’acceptation, juste une offre... est-ce que vous confirmez que la pièce n° 8 ‘conseil d’imprimerie’ est constituée de 2 pièces 8A et 8B ? Pouvez-vous le marquer et le signer s’il vous plaît ? »


La présidente à Maître Jean-Marc Fedida : « Vous avez délivré 2 assignations... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Une sommation valant assignation et une assignation. Nous avons délivré l’acte à Monsieur David Alphand le 21 mai 2012 pour qu’il nous transmette quelques pièces : cesser la diffusion de ce document imprimé ainsi que retirer toute mention de l’UMP dans les supports diffusés à venir... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Je n’ai pas non plus d’information à ce sujet (...) Si d’autres tracts vont être commandés (...) mon client s’interrogera... »

La présidente : « Et il s’interrogera quand ? »

Maître Jean-Marc Fedida : « Après les législatives ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Je pense qu’il en a conscience... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Quand on reçoit une sommation, soit on me répond par un courrier et je ne dérange pas la première vice-présidente, soit je vais jusqu’au bout de mon assignation (...) Ce document est tiré à 40 000 exemplaires, cela vous dérange beaucoup de dire si... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Il ne m’appartient pas de dire si mon client va distribuer ce tract. Quant au temps passé, j’ai bien conscience cher confrère et Madame la présidente, que personne n’a intérêt à perdre son temps (...) il y a des points de convergence entre nous et nous voulons discuter de la compétence de la présidente... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Quand je fais une sommation et quand j’ai communication des pièces, je renonce à ma demande (...) quand j’ordonne la mise sous séquestre des documents... si vous me dites qu’il n’y en a plus, je ne vais pas maintenir cette demande... »

La présidente : « Là on n’en sait rien... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Sur ma demande d’identification de l’imprimeur et mise sous séquestre, votre posture est assez gênante du point de vue du contradictoire, vous ne me permettez pas de savoir si ma demande n’a pas d’objet... »

La présidente : « Donc il y a encore un objet... Que votre collègue parle de l’incompétence et vous répondrez... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Rappelons la jurisprudence, que le contentieux lié au matériel de propagande électorale ne relève pas du juge du tribunal judiciaire : le tribunal de conflits, le Conseil d’état, le Conseil Constitutionnel et la Cour de cassation qui a maintes reprises, et encore récemment, (ont dit que) l’ensemble de ces litiges ne relèvent pas de sa compétence.
Ce contentieux politique ne doit pas se trouver sur un terrain judiciaire. (…) On va devant le juge électoral (...)
Je veux expliquer à Madame la présidente que vous aussi êtes bien ennuyée d’être ici... »


La présidente : « Sur la compétence exclusive des juridictions administratives ? »

Maître Jean-Marc Fedida : « Nous connaissons exactement la question qui allait être envisagée. Nous nous basons sur l’article 3 de la Loi de 1881 qui s’ouvre sur le fond avec une indication à porter sur l’imprimeur.
Dans notre acte introductif d’instance (nous demandons) qui est l’imprimeur car il y a un risque ultérieur de contestation. Nous ne sommes pas dans un document électoral car au moment de la sommation, nous ne savons pas si c’est David Alphand qui a commandé les tracts et si cette communication est conforme aux souhaits de David Alphand.
Ce n’est qu’ultérieurement que cela nous apparaît (avec) l’affiche (collée sur les panneaux) devant la mairie du 16e arrondissement... que David Alphand est l’auteur du tract commandé
(ndlr : la mention de l’imprimeur figure sur les affiches qui ressemblent en tous points aux tracts qui ne comporteraient pas la mention de l’imprimeur).

(Notre action) ne vise pas que le trouble illicite (provoqué) par l’absence de mentions de l’imprimeur (…)

Votre compétence n’a pas à être remise en cause. Les mesures ne sont pas fondées sur le code électoral... »


La présidente : « Au principal ? »

Maître Jean-Marc Fedida : « Sur le principal... »

La présidente : « Vous comptez faire interdire les tracts avec la mention UMP et la mise sous séquestre des tracts encore sous possession de Monsieur David Alphand... »

(Le téléphone portable de Maître Arnaud Rougeau-Mauger sonne, il l’arrête)

Maître Jean-Marc Fedida : « C’est un trouble manifestement illicite cela va de soi (…) »

La présidente : « Maintenant on est au principal, si je me déclare compétente, où est le trouble ? »

Maître Jean-Marc Fedida : « L’acronyme d’un parti politique bien connu. Un parti politique auprès duquel Monsieur David Alphand souhaite l’investiture. Le titre UMP est détaché et postérieur au 6 mai. Monsieur David Alphand aurait choisi d’autres couleurs, or Monsieur David Alphand a été exclu de l’UMP par une lettre du 11 mai... donc la mention... assez choquant avec la façon dont la défense agit... on se sert du sigle UMP de même que dans le couloir on soulève l’incompétence du juge... »

La présidente : « C’est le droit de tout avocat de soulever l’incompétence... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Bien sûr et en vous saisissant je me suis demandé si c’est un bon motif pour saisir votre compétence... »

La présidente : « Sur cette mention ‘UMP’ le ‘jusqu’au 6 mai 2012’ cela ne se lit pas... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Il faut ajouter le tract de Claude Goasguen qui lui fait mention du logo UMP »

Maître Jean-Marc Fedida : « De l’imprimerie Moreau... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « C’est de la responsabilité de l’imprimeur... J’ai compris tout le ... »

Maître Jean-Marc Fedida intervient et coupe la parole.

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Merci de ne pas me couper la parole.
Si on regarde le tract de Claude Goasguen, le logo apparaît très clairement, or dans celui de David Alphand, il n’y a qu’une mention avec des lettres de l’alphabet et en dessous la mention qui précise que le candidat n’appartient plus (au parti politique) à compter du 6 mai.
Il est une évidence que la confusion n’est pas possible et que ce tract ici n’a pas de caractère déloyal.
Sur le site internet, la confusion n’existe pas. »


La présidente : « Pourquoi continue-t-il à mettre ‘UMP’ ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Au pire il s’agit d’une question des caractères ‘UMP’, ici on ne parle pas de logo avec une protection particulière, je lis la pièce, expliquez-moi en quoi votre client est titulaire du logo ‘UMP’, il se ferait le propriétaire de la marque ?
Le point est ici que sous le volet juridique nous ne sommes pas face à un logo mais... je veux m’arrêter sur ce point que vous avez soulevé et sur lequel vous êtes rapidement passé : l’absence de réponse à la sommation, un point qui a entraîné celui sur la compétence de la présidente.

Sur ce point : il s’agit d’un acte d’huissier. S’il n’y a pas de réponses, cela ne relève pas de la compétence du juge judiciaire et on revient (à la question de la compétence).

Je pense que le point crucial revient à considérer si oui ou non vous vous estimez compétente. »


Maître Jean-Marc Fedida : « Certes, nous sommes sur la question de la loi du 29 juillet 1881 et l’absence des mentions de l’imprimeur qui sont pénalement répréhensibles et un délit réprimé, c’est un trouble manifeste.
Je maintiens... le fait de ne pas avoir répondu à une sommation... combien de tracts et si Monsieur David Alphand reconnaît la paternité électorale, ... faute d’avoir répondu à cet élément, je ne pouvais pas savoir si devant le tribunal administratif David Alphand aurait dit que ce n’est pas lui personnellement car c’est un document électoral.
Par conséquent, je ne pouvais pas savoir si c’est un tract électoral le 21 mai 2012 à 12h15
(ndlr : lorsque l’assignation est délivrée) et si par conséquent je peux en tirer les conséquences. Il attend cette audience et avec un procédé déloyal à l’extérieur (dans le couloir).
On veut nous soutenir avec une candeur qui me sidère que l’utilisation des mots ‘UMP’ ne fait nullement référence à un parti mais 3 lettres tombées par hasard sur le clavier de façon anonyme et sans faire état de l’imprimeur.
Mon confrère soit me prend pour un abruti soit il l’est... »


Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « On notera cela... »

La présidente : « Arrêtez, arrêtez, non, on ne notera pas ça... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Soit il me prend pour un abruti... »

La présidente : « Maître, cela suffit, finissez votre plaidoirie, c’est Claude Goasguen contre David Alphand et pas un avocat contre un avocat... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Il y a une confusion pour le tract... c’est clair comme quand on dit qu’il fait bon en hiver à Paris ! »

La présidente : « Cela peut arriver... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger s’adressant à Maître Jean-Marc Fedida : « C’est bien dommage, je veux bien répondre... »

La présidente : « On ne parle qu’à moi, on ne parle qu’au tribunal et pas entre avocats, vous n’avez peut-être pas l’habitude... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : ...

La présidente : « Sinon je m’en vais... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Il ne dit pas qu’il est investi par l’UMP... »

La présidente : « Moi je vois ça... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « ll n’a pas cette volonté de marque et sur l’exclusion il a jusqu’au 26 mai pour faire appel, il est donc toujours à l’UMP... l’effectivité de l’exclusion est réelle à partir de demain... »

La présidente : « C’est suspensif ... »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « C’est suspensif... »

La présidente : « Suspensif au regard des statuts... »

Maître Jean-Marc Fedida : « Quel article ? »

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Article 34 je crois (…)
Seul le président peut l’exclure provisoirement. Il ne vous a pas échappé qu’il n’y a plus de président, qu’il n’a pas été remplacé. Donc la compétence du secrétaire général n’a pas lieu d’être.
Je voudrais simplement terminer par (la jurisprudence). A maintes reprises, (elle déclare que) le juge judiciaire n’est pas compétent pour juger...
Dans 2 questions parlementaires en 2003 et 2007, les réponses ont été les mêmes : en janvier 2003 et en janvier 2007, prononcées par le ministre de l’Intérieur, l’ancien Président de la République.
Il n’y a aucun doute là-dessus, il peut y avoir un agacement à voir ce système réglé... Merci Madame la Présidente ».


Cela marque la fin de l’audience, à 12h20.

Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Est-ce qu’on peut noter que la porte était ouverte ? »

Maître Jean-Marc Fedida : « Et qu’il fait beau ! »

La présidente : « On ne va pas noter tout ce qui se passe bien mais tout ce qui se passe mal sauf (ce qui s’est dit tout-à-l’heure)
Et mon dossier ? »


Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Je n’ai qu’un seul (jeu de pièces) pour vous... »
L'assistante de Maître Arnaud Rougeau-Mauger à Maître Jean-Marc Fedida : « Je vous les enverrai à 14h30 »

Maître Jean-Marc Fedida à la présidente : « Et mes pièces ? »

La présidente : « Votre confrère vient de vous dire qu’il va vous les déposer. Donnez-moi vos pièces, je ne vais pas passer la Pentecôte sur ce dossier, je le verrai dans l’après-midi... »

Maître Jean-Marc Fedida à son confrère : « Vous m’apportez tout en même temps... »

Les avocats quittent la salle d’audience et poursuivent leur discussion dans le couloir puis dans la salle des pas perdus.

Maître Arnaud Rougeau-Mauger à Maître Jean-Marc Fedida : « Pourquoi allez devant la justice, (nos clients) peuvent se parler non ? »
Maître Jean-Marc Fedida à Maître Arnaud Rougeau-Mauger : « Votre client est un v... »

Ambiance, ambiance … Délibéré le mardi 29 mai 2012.




Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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