Gecina ou la mairie : les locataires ne leur disent pas merci

Début de mobilisation des résidents de l'immeuble quai de Jemmapes géré par le groupe Gecina dans le 10e arrondissement.


Le groupe Gecina a annoncé en janvier aux locataires la liquidation en bloc des logements de son patrimoine dans le 10e arrondissement. L'acheteur, la BNP Paribas, a proposé aux locataires 6 années de bail supplémentaire avant de revendre l'immeuble.


11 Avril 2012 17:33

Leur logement, ils y tiennent. Après avoir rencontré Rémi Féraud (PS) le maire du 10e arrondissement le 26 mars 2012 à la mairie d'arrondissement, les locataires de l'immeuble situé 166-172 quai de Jemmapes prévu à la vente en bloc par la société Gecina à BNP Paribas ont également exposé leurs craintes aux deux élus communistes de l'arrondissement : Alain Lhostis, conseiller de Paris et élu du10e arrondissement en charge de la Politique de la Ville, et Marie-Thérèse Eychart, adjointe au maire du 10e en charge de la Petite enfance, des Droits de l'Homme et de la lutte contre les discriminations.

- "Que faire ?" demande l'un des 35 locataires présent à la réunion du 10 avril 2012 à 18h45 au Point Ephémère dans le 10e arrondissement de Paris. A quelques mètres de là, leur immeuble se reflète dans les eaux du canal Saint Martin dans la lumière du soleil couchant : bien situé, il comporte un jardin intérieur et jouxte un groupe scolaire.

Pour Alain Lhostis, "vous devez vous mobiliser." Ecoutant les craintes des locataires, il fait "le pari que la BNP Paribas va vendre à la découpe" l'immeuble.

- "C'est l'avenir qui compte, il faut faire des propositions pour l'avenir !"
- "Est-ce que la Ville de Paris va racheter l'immeuble ?"


- "Le mécanisme" explique par Alain Lhostis : "On achète un immeuble et la ville le transmet à un organisme social (...) vous devriez dire au maire du 10e arrondissement que vous souhaitez que la ville achète l'immeuble." Le conseiller de Paris donne en exemple "la rue Eugène Varlin où la préemption est passée, il y a eu une mobilisation, et on a acquis appartement par appartement, cela a coûté plus cher."

- "On n'a pas été prévenu, que pouvez-vous faire pour nous aider ?"
Alain Lhostis : "Il faut faire une association et aller voir Jean-Yves Mano et le maire du 10e arrondissement."
- "Est-ce qu'on monte une association ?"
L'un des locataires informe qu'une réunion pour créer l'association est prévue à la mairie du 10e le 17 avril à 20h.

Immeuble mis en vente par Gecina et qui serait racheté par BNP Paribas - Photo : VD.
- "On peut préempter à des prix inférieurs au marché et si le prix est trop bas, c'est le tribunal qui décide, il y a plein d'exemples dans le 19e arrondissement, qu'en pensez-vous ?"
Alain Lhostis hoche la tête : "La préemption est légale et le tribunal juge sur le prix du marché."
- "Apparemment il y a des actions systématiques de préemption, il y a beaucoup d'affaires en justice."
Alain Lhostis promet de se renseigner auprès de ses amis dans le 19e .

- "Est-ce que ce n'est pas un moyen de geler les choses, de faire traîner la vente ?"
- "Comment bloquer la vente ?"
- "Mais on n'est pas sûr que la BNP Paris ne va pas vendre !"
- "C'est écrit dans Les Echos !"
- "Il y a le département de Paris et la région, est-ce qu'ils sont compétents pour préempter ?"
Alain Lhostis : "La région contribue à des financements, comme l'Etat (...) 100 locataires sur 140 peuvent demander à la Ville de préempter."

- "Comment bloquer la vente, on a jusqu'au 26 avril !"
Alain Lhostis : "Si on peut encore préempter ? Je ne sais pas... (...) il faudrait interroger Jean-Yves Mano" (ndlr : Jean-Yves Mano, l'adjoint au Maire de Paris en charge du logement) cela a plus de poids au conseil de Paris, le prochain est en mai-juin."
- "Vous ne pouvez pas l'appeler ?"

- "Il y a beaucoup de 'turn-over' (ndlr : en français "renouvellement") dans l'immeuble avec des couples avec des revenus supérieurs ; peut-être que cela les intéresse d'acheter leur appartement ? Est-ce que la Mairie de Paris ne peut pas préempter une partie de l'immeuble ?"
Alain Lhostis : "Cela se fait. La gestion de ce type de copropriété n'est pas toujours souple (...) Si vous pouvez être racheté par la RIVP c'est mieux !"

- "Il n'y a aucune loi qui nous autorise à contrer Gecina, ils ne nous ont pas prévenu et on ne peut pas racheter, nous les locataires on subit et on se tait !"
- "On a une fenêtre de 10 jours !"
Alain Lhostis : "On a déposé un voeu au début sans trop avoir d'éléments et quand on a posé la question au conseil de Paris, on a fait un voeu global avec le 18e et 19e arrondissement. Mais cette fois-ci la Ville ne semble pas vouloir s'engager".

- "Il n'est pas trop tard ?"

Une pancarte oubliée : la société Locare qui gère les appartements du groupe Gecina ne propose plus d'appartements à la vente ou à la location dans le 10e arrondissement - Photo : VD.
- "Je soutiens la position d'Europe Ecologie Les Verts et du Parti communiste ; le PS s'est abstenu ; on défend la préemption de l'immeuble pour faire retarder la vente si possible et demander au maire du 10e et au Maire de Paris de racheter !"

- "Les locataires ont déjà empêché la construction d'un immeuble sur le square Villemin !"
Alain Lhostis se présente comme le plus ancien élu de Paris, ayant été conseiller d'arrondissement dès 1971 : "C'était en 1975, j'avais demandé la modification du Plan d'occupation des sols pour créer un espace vert ; on m'a dit c'est l'Armée, pour des logements pour les militaires ! Mais rien n'est jamais définitif, les choses ne sont jamais bloquées... "

- "Ce qui est dommage c'est qu'on fait cette réunion à quelques jours de la vente, pourquoi ne pas avoir fait une réunion avant, pourquoi pas en janvier quand on a eu le communiqué de Gecina ?"
Alain Lhostis : "Le maire du 10e ne savait pas que cela allait être vendu !"

L'annonce de la réunion à la mairie pour la constitution d'une association est rappelée ainsi que le rendez-vous du 17 avril à 14h30 : nous manifesterons devant la Bourse avant l'assemblée générale annuelle des actionnaires de Gecina à 15h !"

- "Bon il faut faire une pétition !"
- "Mais non, il faut d'abord créer l'association !"
- "Non avant, une pétition des locataires pour ne pas arriver les mains vides à la mairie !"
- "J'espère qu'on sera nombreux !"
- "Et il ne peut pas y avoir un locataire qui achète 1 action de Gecina pour assister à l'assemblée générale mardi ?"
- "On ne peut pas attendre mardi pour la pétition, on peut déjà la rédiger !"
- "Est-ce qu'on peut se réunir dès demain matin ? "
- "Ah non moi je travaille, je pars à 8h30 !"
- "Qui sont les retraités ?"

Alain Lhostis : "Il faut faire une action vers Gecina et vers les élus (...) je ne vois pas d'autres solutions que de demander la préemption."
- "Et Jean-Luc Mélenchon ? Il habite dans le coin, ce ne serait peut-être pas idiot de le contacter ?"
Alain Lhostis : "Nous, on est des élus jusqu'en 2014. Je n'ai pas loupé beaucoup de bagarres dans l'arrondissement (...) Pour Paris c'est un enjeu capital, il faut faire un effort. Et sur le logement, EELV et le PCF se sont battus : le compte foncier a été abondé et le Maire de Paris a beaucoup bougé car il y a eu des mobilisations."

La réunion prend fin peu avant 20h. Toutes les questions n'ont pas reçu de réponses. La mobilisation commence.
Alain Lhostis se demande si la Mairie de Paris ne connaissait pas le projet de la vente car le groupe Gecina a normalement dû déposer une DIA : Déclaration d'Intention d'Aliéner. Une démarche obligatoire pour le vendeur et qui ouvre droit à une demande d'acquisition d'un bien soumis à l'un des droits de préemption.
Les habitants, regagnant leur l'immeuble quai de Jemmapes, attendent désormais "bien plus que des mètres carrés", le slogan du groupe Gecina.


Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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