Hôpital Laennec : quid de la Chapelle ?

Des associations et des habitants interpellent Allianz et la Cogedim sur le sort de la chapelle de Laennec dans le 7e arrondissement de Paris.


La chapelle de Laennec et son sanctuaire, stars de la réunion publique sur le chantier organisée par les mairies du 6e et du 7e arrondissement avec Allianz et le groupe Alterea Cogedim.


28 Novembre 2010 17:13

Parler du calendrier prévisionnel des travaux, oui. Parler de ce qui va advenir de la chapelle de Laennec, non. Une nécessité pourtant pour des habitants qui, amoureux du patrimoine historique parisien, se battent pour un accès public à la chapelle et aux tombeaux de 4 grands Hommes inhumés en son sein.

Pour comprendre pourquoi des élus parisiens ont pu jeter dans l'oubli 4 grands Hommes, et non les moindres, il fallait assister à la réunion publique organisée le 24 novembre 2010 par Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement, et Rachida Dati, maire du 7e arrondissement. Aucun des deux n'a rappelé leur mémoire.
Ce n'était pas la 1ère fois que le Cardinal de La Rochefoucauld fondateur de l’Hôpital des Incurables, devenu par la suite l’Hôpital Laennec, le Prévôt des marchands Michel Etienne Turgot, le ministre de Louis XVI Anne Robert Jacques Turgot, et Mgr Jean-Pierre Camus, Evêque de Belley, mourraient une deuxième fois.
Quelques mois plus tôt, le ministère de la Culture et la Mairie de Paris oubliaient, et de façon éclatante, d'associer les 4 grands Hommes aux Journées européennes du Patrimoine 2010 avec pour thème "Les grands Hommes : quand femmes et hommes construisent l'histoire" . Sur le plan du quartier, le monument historique de la chapelle et les 2 croix de Jérusalem ne sont plus indiquées non plus (voir photo du plan du quartier).
Quelques années plus tôt, non seulement la chapelle de Laennec est vendue par l'AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris présidée par le Maire de Paris) au groupe privé européen Allianz (ex- Assurances AGF), mais elle est depuis interdite au public, tout comme les tombeaux qu'elle abrite.
Adieu "Laennec Rive Gauche" (le nom figurant sur les permis de construire), vive "Paris 7 Rive Gauche" (le nom de l'opération immobilière) !
Le nom de Laennec absent du plan du quartier Laennec dans le 7e arrondissement de Paris

M. de la Rochefoucauld met "les pieds dans le plat" après qu'une habitante pose une question sur l'avenir de la chapelle, où baptêmes, confirmations, mariages, messes et autres célébrations religieuses avaient lieu régulièrement : "On met la main sur un patrimoine public historique (...) parce que l'AP-HP a estimé qu'il fallait vendre (...) un ensemble qui avait fait l'objet d'une donation privée dont l'objectif était d'apporter des soins à des personnes en difficulté, (...) aujourd'hui livré à une spéculation immobilière.""
"On pensait avoir affaire à des gens de bonne composition" explique-t-il après qu' Alain Robert, représentant Alterea Cogedim réponde à l'habitante sans doute trop curieuse : "Je me permets de rappeler les règles du jeu de ce soir (on ne parle que des travaux, ndlr) et je souhaite que ce sujet ne soit pas abordé."
Le descendant des collatéraux du Cardinal de La Rochefoucauld, fondateur ayant affecté une grande partie de sa fortune à l’Hôpital des Incurables, rappelle le rôle des donateurs initiaux et l'affectation du lieu : un lieu de culte. S'agissant de l'église, "s'il faut l'aliéner, il faut l'accord" des héritiers des donateurs ; "il y a des tombeaux de famille dans la chapelle et (...) c'est toute la chapelle qui est un sanctuaire."
Emmanuel de Mandat Grancey, de l' "Association pour la mémoire du commerce et de l'artisanat du 7e arrondissement", demande l'application de la réglementation européenne sur le respect des sépultures et insiste sur le fait que "cette chapelle peut être réhabilitée d'une façon qui plaise à tout le monde ; cela peut se faire."
M. de la Rochefoucauld rappelle aux représentants d'Allianz et d'Alterea Cogedim la situation juridique de la chapelle de Laennec

M. de la Rochefoucauld met en avant une irrégularité dans la vente entre l'AP-HP et Allianz : selon la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l'Etat qui s'applique à la vente de l'Hôpital Laennec et de sa chapelle affectée au culte catholique, cette dernière n’a jamais été désaffectée selon la procédure spécifique prévue à cet effet. "De ce fait, elle est inaliénable". Selon lui, c'est un droit imprescriptible ; en conséquence, la chapelle et l'Hôpital font toujours partie du domaine public hospitalier.
Un président d'association du 6e arrondissement s'exclame : "Vous ne pouvez pas acheter la chapelle comme vous ne pouvez pas acheter Notre-Dame de Paris !" "Je n'en dirai pas plus ce soir" répond Jean-Claude Dendievel, représentant Allianz.
Rachida Dati tente de déminer l'annonce d'un recours en annulation de la vente de la chapelle en avançant qu'il n'y a aucun problème juridique. Jean-Pierre Lecoq préfère rester muet sur la question.
250 personnes ont assisté à la réunion publique du 24 novembre 2010

Aucun élu d'arrondissement en charge des conseils de quartiers n'était présent, ni les élus des conseils de quartier du secteur, ni les représentants des associations, les personnes qualifiées et les représentants des habitants dans les conseils de quartier. Sauf l'association présidée par Arlette Vidal-Naquet, le "Comité Laennec Turgot" et son site www.laennec.blogs.com, forte d'une pétition aux 8.000 signatures. Elle se bat depuis 10 ans pour que le site de Laennec et ses grands Hommes ne tombent pas dans l'oubli et que les Parisiens puissent y accéder librement. L'Evêché de Paris n'était pas non plus représenté.
Les descendants des généreux bienfaiteurs de l'Hôpital Laennec et de sa chapelle où ils sont inhumés, auront-ils plus de poids auprès des pouvoirs publics et du groupe privé ?
Sauf à vouloir tuer une énième fois le Cardinal de La Rochefoucauld, Mgr Camus, Evêque de Belley et quatre générations de Turgot, toute l'assemblée s'accorde à penser qu'une décision consensuelle s'impose. Les corps n'ont pas été transférés au Panthéon comme l'avait envisagé l'Etat au début du XXe siècle. Déjà les descendants tenaient à respecter la volonté de leurs ancêtres respectifs et à veiller à ce que celle-ci soit prise en compte : rester avec les indigents privés de soins, les Incurables.


Lire les aventures d'une association de quartier qui s'est opposée de 1999 à 2009 au projet d'Allianz sur le site de Laennec.


Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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