L'Eglise de scientologie donne un cours de droit aux sénateurs

Cours de droit aux sénateurs sur les textes fondamentaux de la liberté de croyance et de religion !


Quand le porte-parole de l'Eglise de scientologie explique aux sénateurs les fondements juridiques de la liberté de conscience et de religion en France, en Europe et dans le monde...


23 Mars 2013 13:27

Audition publique de l'Eglise de scientologie à l'Hôtel Lutetia ™ dans le VIe arrondissement de Paris le 20 mars 2013 avant son audition, non ouverte au public et à la presse, devant la commission d'enquête sénatoriale "sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé".

La santé à l'honneur à l'Hôtel Lutetia ™

Les sénateurs ayant refusé de rendre publique l'audition du 20 mars 2013 et de garantir la diffusion de la vidéo de l'audition sur le site internet du Sénat, l'Eglise de scientologie a organisé une audition publique le jour même à quelques encablures du Palais du Luxembourg, en invitant les 21 membres de la commission sénatoriale* ainsi que la presse et le public.

Le matin du 20 mars 2013, la direction de l'Hôtel Lutetia ™ reçoit une demande du commissariat de police tendant à l'annulation de l'audition publique au motif que celle-ci comporterait des risques de troubles à l'ordre public. L'hôtel 4 étoiles maintient la location de la salle.

Aucun des sénateurs ni l'un de leurs assistants parlementaires ne sont présents à l'événement conçu pour que les questions et réponses "sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé" soient faites publiquement. C’est le jour de la santé au Lutetia. Dans la salle voisine se tient un autre événement : un "cocktail déjeunatoire" de la Gazette du Palais sur "Les Entretiens du Dommage Corporel".

Des auditions publiques en principe

"Le président de cette commission a choisi d’imposer l’obscurité en fermant cette audition au public et à la presse, explique le porte-parole de l'Eglise de scientologie dans la salle Récamier, c'est contraire à la règle depuis la loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 et à la coutume qui s’est instaurée de donner 'la publicité la plus large possible aux débats'.

C’est aussi contraire aux nombreuses auditions qui se sont déjà déroulées devant cette même commission. La publicité des auditions participe du débat démocratique, et je ne vois pas pourquoi la presse et les français ne pourraient pas être au courant de ce qui se dit lors de mon audition, dans le cadre d’une commission d’enquête qui d’après ses membres concerne tous les Français"
.

Interrogé par Paris Tribune, le président de la commission Alain Milon sénateur du Vaucluse (UMP) fait répondre que "les commissions d'enquête sont souveraines pour apprécier la publicité par rapport à leurs travaux. Cette audition ne sera donc ouverte ni à la presse ni au public, ainsi que cela s'est passé précédemment pour diverses auditions".

Le 1er hic : le 10 octobre 2012 lors de la constitution du bureau de la commission d'enquête, le même président Alain Milon déclarait que "l'ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que les auditions sont en principe publiques. Je le rappellerai avant chaque audition pour que les personnalités entendues connaissent cette règle. Certaines auditions pourront toutefois se faire à huis clos si la personne entendue le demande".

Absence de définition juridique du mot 'secte' et 'mouvement à caractère sectaire'

Existant en France depuis 50 ans, la scientologie est reconnue en Europe comme une religion "et dans les pays qui ont un système de reconnaissance légale des religions" explique à l'auditoire le porte-parole de la scientologie en France qui ne se sent "pas concernée" par l'intitulé de la commission d'enquête :

"(Elle) s’intitule 'commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractères sectaires dans le domaine de la santé'. Outre le fait qu’il n’existe aucune définition juridique de 'secte' ou de 'mouvement à caractère sectaire', et que ce terme est un prétexte à de nombreuses discriminations, destructions et stigmatisations en violation des engagements internationaux de la France en matière de liberté de conscience, de religion et de convictions, je ne vois pas en quoi l’Eglise de scientologie peut être concernée par cette commission (...) Elle n'a donc aucun rapport avec les prétendus 'mouvements à caractère sectaires' de l’intitulé de la commission d’enquête. Qui plus est (elle) ne prend aucune position dans le domaine médical (...) A ma connaissance, la commission n’a pas auditionné de responsables d’autres religions tels que des dignitaires de l’Eglise Catholique, du Consistoire, du culte musulman ou de la Fédération Protestante de France (...)".

Le point sur les dérives sectaires

Si rien ne peut être défini juridiquement en tant que "secte" ou "dérives sectaires", des comportements peuvent en revanche être qualifiés de "dérives".

"Il semble que la commission d'enquête n’a pas remarqué que nous sommes passés à l’ère de la 'dérive sectaire' souligne le porte-parole, ère dans laquelle aucun mouvement ne peut être ciblé en particulier, seuls les actes étant importants.

La dérive sectaire, par définition (non juridique d’ailleurs), peut être commise par n’importe qui. Par n’importe quel parti politique, par n’importe quelle religion, n’importe quel individu, n’importe quelle institution.

Ainsi, en persistant à vouloir s'en prendre aux 'mouvements sectaires', la commission persiste peut-être malgré elle dans l’attitude qui consiste à établir des listes de ces mouvements, et à les stigmatiser comme mouvements de pensée, au lieu de s'en tenir aux dérives telles qu’elles peuvent se produire dans l’intégralité de la société, civile ou publique"
.

Les textes fondamentaux de la liberté de conscience et de religion

Le porte-parole poursuit sa leçon de droit :

"(...) Il m’appartient également d’appeler votre attention sur la ratification par la France du Pacte international sur les droits civils et politiques de l’ONU qui affirme le droit à la liberté de conscience et de religion. Or, dans son observation générale n° 22 sur l'interprétation à donner à l'article 18 du Pacte, le Comité des Nations Unies des Droits de l’Homme a déclaré :

'L'article 18 protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou croyance. Les termes 'croyance' et 'religion' doivent être interprétés au sens large. L'article 18 n'est pas limité dans son application aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances comportant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des religions traditionnelles.

Le Comité est donc préoccupé par toute tendance à la discrimination envers une religion ou une conviction pour une raison quelconque, y compris le fait qu'elle soit nouvellement créée, ou représente des minorités religieuses qui peuvent faire l'objet d'hostilité de la part d'une communauté religieuse dominante".

En 1996, dans son rapport annuel, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté religieuse avait déjà noté l'inadéquation de l'étiquetage de certains groupes de croyance en tant que 'sectes' :

'Le terme 'secte' semble avoir une connotation péjorative. Une secte est considérée comme différente d'une religion, et n'a donc pas droit à la même protection. Ce type d'approche est révélateur d'une tendance à amalgamer les choses, à discriminer et à exclure, ce qui est difficile à justifier et encore plus difficile à excuser, tellement c’est nuisible à la liberté religieuse (...)"
.

Vidéo : "(...) Le pacte susmentionné, comme la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme à laquelle la France est aussi soumise, garantissent tous deux le droit à la liberté de conscience, de croyance et de religion, quelques soient lesdites croyances, pour lesquelles il ne peut y avoir ingérence de l’Etat.

C’est donc sous les auspices de ces grands textes protecteurs des libertés fondamentales que je répondrai cet après-midi aux questions des sénateurs. En attendant que ce moment arrive et en l'absence, malheureuse, des augustes membres du Sénat, je vous encourage à poser les questions que vous voulez (...) et j'espère que je répondrai bien à vos questions et que vous en serez satisfait (...)"
.

Pour quelle raison les sénateurs ont-ils choisi d'auditionner l'Eglise de scientologie ?

Après l'audition publique à l'Hôtel Lutetia ™, le porte-parole de l'Eglise de scientologie s'est rendu au Sénat où l'attendaient les membres de la commission d'enquête pour l'audition non publique.

A la question de savoir si l'audition du 20 mars 2013 sera disponible sur le site internet du Sénat, le président de la commission a fait savoir à Paris Tribune que "la décision sera prise à la fin des travaux de la commission", soit le 3 avril 2013.

Le 2e hic : les sénateurs n'ont pas attendu la fin des travaux pour publier sur le site du Sénat les vidéos des auditions publiques des personnes précédemment auditionnées. Le rapport final de la commission devrait annexer le compte-rendu intégral de toutes ces interventions.

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Vidéo : Eric Roux, porte-parole de l'Eglise de scientologie de France, pendant son audition publique à l'Hôtel Lutetia ™.

La santé à l'honneur à l'Hôtel Lutetia ™ - Photo : VD / PT.

* Les 21 membres de la commission d'enquête sénatoriale "sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé" :
- 8 membres du Bureau : Président Alain Milon sénateur du Vaucluse (UMP), Rapporteur Jacques Mézard (RDSE) sénateur du Cantal (RDSE, Rassemblement démocratique et social européen) ; 6 Vice-présidents : Laurence Cohen sénatrice du Val-de-Marne (CRC, Communiste républicain et citoyen), Muguette Dini sénatrice du Rhône (UCR, Union centriste et républicaine), Hélène Lipietz sénatrice de la Seine-et-Marne (écologiste), Gisèle Printz sénatrice de la Moselle (SOC), Jean-Pierre Michel sénateur de la Haute-Saône (SOC) et Bernard Saugey sénateur de l'Isère (UMP) ;
- 13 membres : Nicole Bonnefoy sénatrice de la Charente (SOC), Catherine Deroche sénatrice de Maine-et-Loire (UMP), Catherine Génisson sénatrice du Pas-de-Calais (SOC), Sophie Joissains sénatrice des Bouches-du-Rhône (UMP), Christiane Kammermann sénatrice représentant les Français établis hors de France (UMP), Sophie Primas sénatrice des Yvelines (UMP), Philippe Bas sénateur de la Manche (UMP), Alain Fauconnier sénateur de l'Aveyron (SOC), Alain Houpert sénateur de la Côte-d'Or (UMP), Stéphane Mazars sénateur de l'Aveyron (RDSE), Alain Néri sénateur du Puy-de-Dôme (SOC), Gérard Roche sénateur de la Haute-Loire (UDI), Yannick Vaugrenard sénateur de la Loire-Atlantique (SOC).



Articles :
- 19 mars 2013 : L'Eglise de scientologie choisit la lumière
- 19 mars 2013 : Les sénateurs choisissent l'obscurité


Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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