La Samaritaine : "Je ne comprends pas pourquoi on aménage les règles d'urbanisme pour LVMH !"

Première Tribune


La dernière permanence de l'enquête publique sur le projet de rénovation de la Samaritaine s’est déroulée le 4 février dans une ambiance de crainte et de défiance. Les riverains soupçonnent un accord secret entre la Ville et LVMH : le rehaussement de sept mètres de la Samaritaine contre le renforcement du tissu économique et social du quartier.


Olivier Guérin
8 Février 2010 07:36

Organisée à la mairie du 1er arrondissement, la dernière permanence avant la clôture de l'enquête publique est mouvementée : les riverains se pressent dans une petite salle du 1er étage. "Il y a du monde aujourd'hui" constate, surprise, la commissaire enquêtrice. Diligentée par le tribunal administratif, elle a fort à faire avec les 6 premières personnes qui se présentent dès 16h. Jusqu’à 19h, une douzaine de particuliers se succèdent.

Au début, l'ambiance est tendue. Personne ne sait lire un plan, personne n’a la même connaissance du projet, les gens parlent entre eux, il n'y a pas assez de place ; la commissaire s'énerve. Au bout de vingt minutes, elle expulse un homme, trop véhément à son goût.
La Samaritaine, fondé en 1869 par Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ, est construite dans un style Art déco

Augmentation de la hauteur de La Samaritaine

Mais avant de se retirer, il a touché du doigt ce qui inquiète les participants : la volonté - acceptée par la Mairie de Paris - du groupe de luxe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy), propriétaire de la Samaritaine, de relever la hauteur des bâtiments de sept mètres. Ce qui risque de priver le voisinage de lumière.

Le premier plaignant renvoyé, un autre prend le relais. Propriétaire d'appartements rue Baillet, il est inquiet ; il a autant peur pour son bien que de ne plus avoir de lumière. Son immeuble est rénové depuis quelques années et il craint que les travaux ne l'abîment, d'autant qu'il est construit sur pilotis ; le fracas du chantier pourrait fendre les murs. Il a déjà pris un avocat ; l'état des lieux avant travaux est prévu le 18 février. Il dénonce également ce qu'il apparente à une manœuvre de LVMH. Sur les vingt et un appartements de la rue Baillet, enclavée entre les bâtiments de la Samaritaine, LVMH en a déjà racheté la moitié. ”Pour avoir la majorité syndicale" croit-il.

Une habitante poursuit : "Je ne comprends pas pourquoi on aménage les règles d'urbanisme pour LVMH ! J'habite en face de la Samaritaine, au 4e étage. J'ai voulu faire édifier une terrasse sur le toit, invisible depuis la rue de Rivoli ; cela m'a été refusé. On m'a répondu qu'à partir du 4e étage, on ne touche à rien dans le centre historique de Paris. Mais LVMH peut surélever de sept mètres ! Pourquoi y a t-il deux poids deux mesures? Il doit y avoir un marché, logements sociaux contre surélévation !" Toute l'assistance soupçonne le marchandage.
En tout : 10 étages et 48.000 m² de surface de vente, rachetés en 2001 par le groupe LVMH qui ferme le site en juin 2005

Accord entre l’Hôtel de Ville et le 1er arrondissement

Côté rue de Rivoli : des logements sociaux, une crèche et des commerces prévus en 2014
Pourtant LVMH a revu sa copie, la première ayant été rejetée par la Mairie de Paris. La seconde mouture, élaborée avec les services de la ville et le Comité du site de la Samaritaine (composé de représentants de LVMH, de syndicalistes et d'élus) conserve l’hôtel de luxe côté Seine, ainsi que le centre de conférences international.

Mais la surface dévolue aux bureaux est réduite de 20% avec 21.000 m² et celle du centre commercial est portée à 24.000 m² dont 2.000m² pour l’alimentaire (contre 310 m² au départ). La surface dédiée aux logements sociaux est multipliée par trois, passant à 7.000 m², et une crèche de 700 m², non prévue initialement, rajoute une touche sociale à laquelle la mairie de Paris tenait.

"Ce nouveau projet est maintenant acceptable", avait conclut Lyne Cohen-Solal, Adjointe au Maire de Paris en charge du commerce lors de sa présentation au printemps 2009. "La première mouture était incompatible avec le Plan local d'urbanisme (PLU), car elle manquait de mixité sociale et d'activités. Elle présentait une trop grande prééminence des bureaux sur les commerces et les équipements publics étaient absents."

Le 4 février, en écho à l’Adjointe au Maire, Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement, apporte son point de vue par écrit à la commissaire enquêtrice. Il est d'accord sur tout. Les aspects commerciaux, sociaux et patrimoniaux étant assurés, tout lui convient.

Comme Lyne Cohen-Solal, il n'a aucun problème avec le relèvement des hauteurs des bâtiments, qui peuvent pourtant gêner la perspective, c'est-à-dire, empêcher de voir, à partir du sol, l’Hôtel de Ville depuis l’Etoile. Il regrette juste l'absence d’un parking.

Un planning serré

Côté Seine : un hôtel de luxe livré en 2013
Les habitants présents sont mécontents. Une dame lâche : "Le maire du 2e est plus mordant ! Quant à l'enquête publique, j'ai suivi celle des Halles, ça m'a servi de leçon. Tout était pipé de A à Z. C'est la dictature du profit. Les particuliers n'ont aucun droit, mais LVMH peut faire ce qu'il veut."

Personne ne connaît encore le véritable projet architectural de LVMH, ni quelle partie de la Samaritaine sera rehaussée et sur quelle longueur. Selon le calendrier fixé, LVMH ne dévoilera ses plans définitifs qu’au 4e trimestre 2010 et les travaux commenceront le 2e trimestre 2011. Entre les deux, les riverains craignent de ne pouvoir contraindre LVMH à revoir à nouveau ses plans. Tout le monde pense le combat du pot de terre contre le pot de fer.

D’ici là, la commissaire enquêtrice remettra son rapport, avec son avis, le 10 mars au plus tard, à la Mairie de Paris. Il sera ensuite exposé, complété de l'avis municipal définitif, dans les mairies des 1er et 8e arrondissements, jusqu'à la fin de l'année.

Mots-clés de l'article : 1er arrondissement samaritaine

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