La clé de l'art abstrait selon Kandisky

Quatrième Tribune


Grâce à la conférence donnée dans le cadre de l'Eté des Seniors sur le père de l'art abstrait, il est aisé de profiter des oeuvres du grand maître Wassily Kandisky exposées jusqu'au 10 août au Centre Georges Pompidou.


Mariam Slimani
22 Juillet 2009 17:46

Kandinsky à l'honneur dans l'Eté des Seniors et au Musée d'art moderne. Personne n'est surpris, sachant qu'une exposition permanente des oeuvres du peintre léguée par sa compagne Gabriele Münter est programmée jusqu'au 10 août à Paris. Les 500 000 visiteurs s'étant rendu sur les lieux de l'exposition depuis l'ouverture le 8 avril ne n'y sont pas trompés : la réunion exceptionnelle des trois plus importantes collections publiques d'oeuvres du peintre, originellement dispersées au Stadlische Galerie im Lenbachhaus Salomon R. Guggenheim de New York, d'institutions et de collections privées explique le record de fréquentation du 6e étage du Centre. Le public apprécie particulièrement le nombre élevé d'oeuvres (une centaine) et l'ordre dans lequel elles sont exposées, les travaux du peintre étant présentés en fonction de six périodes de sa vie. L'objectif est clair : il s'agit de retracer l'évolution artistique du peintre, en mettant en parallèle chacun des évènements ayant jalonné sa vie. L'effet est impressionnant puisqu'il émane de cet agencement la clé de la compréhension de la création du mouvement abstrait.
Kandinsky à Beaubourg

S'il y a bien une chose à remarquer, c'est que les choix artistiques divergent profondément tout au long de la carrière de Kandisky. Il ne la débute que vers l'âge de 30 ans, en 1902, lorsqu'il expose ses premières toiles à la 5ème Sécession à Berlin. Ce juriste originaire de Moscou se passionne pour l'Allemagne, notamment la ville de Murnau qu'il peint à plusieurs reprises, dès 1907. Ses premiers tableaux s'inspirent clairement de l'impressionnisme et sont de mode très divers : gravure sur bois, peinture à l'huile, aquarelles. « Sa grande richesse plastique fait pourtant l'objet d'une critique virulente », explique Barbara Boehm, conférencière spécialiste de l'art qui traite de Kandisky à l'occasion du cycle conférencier de l'Eté des séniors, dans le 6ème arrondissement. « Ses travaux sont alors critiqués d'orgie de couleurs et de barbarie ».
Kandinsky expliqué aux seniors parisiens

En 1908, le trait de pinceau du peintre change : il abandonne les conventions et se lance dans le lyrisme cosmique. Il ne tente plus de peindre le paysage en lui-même ; il écrit d'ailleurs dans son essai Spirituel dans l'art qu'il tente désormais de peindre l'état d'âme que lui inspire le paysage. La comparaison visuelle est alors flagrante, entre le Paysage à la tour de 1907 et Improvisation III peint en 1909. Petit à petit, les éléments matériels ne doivent plus être visibles, c'est tout l'enjeu de l'art abstrait selon son fondateur même : « c'est l'idée d'un art dont les formes ne veulent rien dire, ne représentent rien, ne rappellent rien mais nous touchent ». La sonorité intérieure des formes est transposée par la couleur même. La composition devient ainsi une musique intérieure.

Trois salles de la galerie sont consacrées à la période faste du peinte, soit de 1907 à 1914, puis d'un coup, les oeuvres apparaissent moins lumineuses. Le fameux romantisme de Kandisky devient mélancolique. Cette perte d'inspiration, comme le peintre l'avoue, concorde avec son retour forcé à sa terre natale lors de la déclaration de la 1ère guerre mondiale. Le tableau Dans le gris peint en 1919 évoque une souffrance intérieure forte.

Ce n'est qu'en 1922 qu'il peint son oeuvre magistrale Composition VIII, aboutissement d'un travail fondé sur trois évolutions artistiques, ces oeuvres se nommant d'abord Improvisation, Impression puis Composition. Le cavalier, thème favori de l'artiste à ses débuts, disparaît au profit d'une forme qu'il admire désormais : le cercle. C'est à la 7ème salle dédiée à ses oeuvres de la période où il revient en Allemagne en tant que maître à l'école de Bauhaus. Le spectateur ressent une stabilité, une construction presque parfaite. Le lyrisme impulsif des années Murnau est délaissé.

Mais il parvient à aller au-delà de l'abstraction la plus pure. Il s'installe à Neuilly-sur-Seine dans la région parisienne en 1934 et se lie d'amitié avec la scène surréaliste parisienne, des noms tels qu'André Breton, Max Ernst, ou Hans Arp. C'est ainsi qu'il développe de nouvelles formes qui s'inspirent des découvertes scientifiques de l'époque : embryons et formes zoologiques microscopiques. La poésie est à son paroxysme : il suffit d'admirer dans la dernière salle l'oeuvre intitulée Mouvement I où des points lumineux flottent dans un fond sombre, comme en apesanteur. Il avouera lui-même : « il faut être un authentique poète pour faire de l'art abstrait.»
Kandinsky au programme de l'Eté des seniors à Paris

La plupart des spectateurs passant moins de temps dans les salles consacrées à sa période noire, on peut considérer les oeuvres qu'il a produites en ces temps comme de moindre importance. Pourtant l'artiste a un avis plus optismiste : selon lui, elles étaient inévitables. Une particularité qui semble rapprocher son oeuvre de sa personnalité : la tentative d'une perfection qui lui a finalement permis d'accéder au panthéon des plus grands.


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