Le Marché de Noël de Marcel Campion reconduit tacitement ou résilié : le compte-rendu d'audience

La SARL Loisirs Associés avait saisi en référé-suspension le juge administratif le 6 novembre 2017.


A l'audience du 14 novembre 2017, la Présidente demande aux avocats de se « concentrer sur les problèmes juridiques que pose cette affaire et il y en a de sérieux ». C’est « sur ces éléments juridiques » qu’elle apportera sa réponse.


16 Novembre 2017 09:00

La société Loisirs Associés gérée par Marcel Campion dépose le 6 novembre 2017 un référé-suspension contre « les effets de la décision du 3 juillet 2017 portant refus de renouvellement de la convention d'occupation du domaine public du 12 octobre 2015 ». Cette lettre de quelques lignes indique à Marcel Campion la fin de l'autorisation d'occupation du domaine public par Loisirs Associés et le non-renouvellement de la convention pour l'exploitation du Marché de Noël à compter du 3 juillet 2017. La Ville de Paris s'appuie sur le vote d'un voeu au conseil de Paris le même jour et alors que les voeux municipaux n'ont aucune valeur juridique.

Si le juge des référés avait été saisi en juillet, à 4 mois de la période revendiquée pour l'installation du Marché de Noël, il n'y aurait probablement pas eu d'urgence pour le juge.

Mais alors que Marcel Campion veut s'installer sur les Champs-Elysées le mardi 31 octobre 2017 pour mettre en place les chalets du Marché de Noël 2017-2018, la Préfecture de police de Paris puis le Ministère de l'Intérieur le vendredi 3 novembre 2017 l'enjoignent, sur la base du contrat qui lie Loisirs Associés à la Mairie de Paris, de saisir le Tribunal administratif contre la lettre de la Mairie de Paris. 

La requête en référé-suspension est enregistrée le lundi 6 novembre au Tribunal administratif de Paris. L'audience s'est tenue le mardi 14 novembre 2017. Dans la grande salle n°1 comble, la salle n°2 initialement prévue étant trop petite, Marcel Campion est entouré des siens, de trois avocats, des représentants de l'inter-syndicale pour la défense du droit forain, le maintien et la sauvegarde de la fête foraine et des circassiens, et de plus d'une centaine de commerçants indépendants. De l'autre côté de la salle, la Ville de Paris est représentée par une responsable de la Direction des Affaires Juridiques et par la responsable du Service de presse de la Ville, Clara Paul-Zamour, précédemment au cabinet de Bernard Cazeneuve, Ministre de l'Intérieur place Beauvau puis Premier ministre à Matignon, sans oublier les deux avocats de la Ville. Une autre jeune personne assiste anonymement à l'audience.

L'audience se déroule dans d'excellentes conditions. Les micros fonctionnent et la salle est calme et concentrée. Le sujet est d'importance et il pose des « problèmes juridiques (...) sérieux », dans le cadre du plus grand Marché de Noël de France, que Madame la Juge des Référés doit trancher. Chacune des parties campe sur ses positions et elles sont diamétralement opposées.
 
Marcel Campion dans la salle d'audience au tribunal adminstratif © VD / PT

14h35 : « les problèmes juridiques que pose cette affaire (sont) sérieux »

La Présidente TASTET-SUSBIELLE introduit l’audience en lisant un article du Code de Justice Administrative pour rappeler à l’assistance nombreuse « le respect dû à la justice (…) et de ne manifester ni approbation, ni désapprobation (…) ».

Elle rappelle la chronologie des requêtes enregistrées : le 6 novembre 2017, la SARL Loisirs Associés dépose un référé-suspension afin d'obtenir « la suspension des effets de la décision de la Ville de Paris en date du 3 juillet 2017 portant refus de renouvellement de la convention d’occupation du domaine public du 12 octobre 2015 ». La société Loisirs Associés demande 50 000 euros par jour de retard à la Ville de Paris à compter de la décision. le 7 novembre puis le 10 novembre, le mémoire est complété par d’autres pièces. le 13 novembre, la Ville de Paris enregistre au Tribunal administratif son mémoire en défense. le 14 novembre jour de l’audience du référé-suspension, la société Loisirs Associés envoie un autre mémoire et la Ville de Paris fournit le jour même un mémoire en réplique.  
La Présidente TASTET-SUSBIELLE dit en préambule :
« J’ai lu la totalité du dossier (…) il n’est pas très utile de s’étendre sur des éléments de faits et de contexte ». Elle demande aux avocats présents de se « concentrer sur les problèmes juridiques que pose cette affaire et il y en a de sérieux ». C’est « sur ces éléments juridiques » qu’elle apportera sa réponse.
 

14h36 : « le recours n’est pas recevable »

Le conseil de la Ville de Paris du Cabinet Foussard Froger Avocats Conseil SCP s’exprime en premier. L’avocat explique ne pas pouvoir parler dans le micro en raison des sifflements que cela provoque. Il évoque deux moyens de nullité de la saisine du juge administratif.
 
La Ville de Paris estime que la saisine au fond n’est pas de la compétence du juge administratif car la SARL Loisirs Associés tend à obtenir l’annulation d’une décision et ne demande pas d’indemnités.
Pour la Ville de Paris, la SARL Loisirs Associés ne doit pas saisir le juge administratif mais le juge du contrat qui est compétent pour l’exécution d’un contrat de droit administratif.
L’avocat demande à requalifier au fond l’intitulé : « le recours n’est pas recevable car l’affaire au fond est toujours en cours » (un recours au fond a été déposé dans le délai de 2 mois suite à la réception de la lettre du 3 juillet, ndlr).
Selon le raisonnement juridique choisi par la Ville de Paris, la requête de la SARL Loisirs Associés ne sera donc pas recevable, elle sera requalifiée et le moyen devra être écarté.
 

14h40 : « Entre 2008 et 2015, il y a eu des changements »

Lees avocats des parties : Maître Régis Froger (à gauche) pour la Mairie de Paris et Maître Jeremie Assous (à droite) pour la SARL Loisirs Associés) © VD / PT
Le conseil de la SARL Loisirs Associés, Maître Jeremie ASSOUS, prend à son tour la parole. Il cite une jurisprudence et, sur le deuxième élément soulevé par la Ville de Paris sur l’action irrecevable de son client, explique que le raisonnement de la Ville de Paris consiste à dire que la saisine est postérieure à la fin du contrat. « C’est intéressant et passionnant » commente-t-il compte-tenu « des pièces et des faits ».

Il déclare qu’il est indispensable de parler de l’historique du Marché de Noël. La première « saison » a lieu en 2008, un contrat annuel, sans clause relative au renouvellement. La deuxième saison a lieu pour les fêtes de fin d’année 2009-2010, puis une troisième saison en 2010-2011 « toujours avec Loisirs Associés ».
En 2011, la Ville de Paris décide de conclure un contrat de 2 ans renouvelable 1 fois : « C’est donc un contrat sur 4 saisons ».
« La particularité de ce contrat : les conditions de renouvellement pour la 2e période 2013-2014 et 2014-2015. Le renouvellement ne peut se faire que si la Ville de Paris manifeste son intention par écrit, 6 mois avant le dernier jour d’exploitation du Marché de Noël. Le premier contrat, c’était 60 jours d’occupation. Puis, la Ville de Paris a lancé un appel à projet pour l’occupation de son domaine public pour, non pas 2 ans reconductible 1 fois, mais 2 années renouvelable 2 fois donc pour 6 saisons ou 6 éditions. »
Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion 

 
« La Ville de Paris tente de tromper votre religion » : selon la Ville de Paris, le contrat est de 2 ans renouvelable à partir du 12 octobre 2015, date de la signature de la convention, et le non-renouvellement doit être indiqué dans les 6 mois précédent.
La SARL Loisirs Associés serait donc hors délai en déposant un référé-suspension le 6 novembre 2017. « C’est malin mais contraire aux actes antérieurs et postérieurs ».

Le contrat conclu en 2011 a été signé le 27 avril 2011 et il a pris fin le 27 avril 2013.
« Or il n’est pas contesté que le Marché de Noël a pris fin le 6 janvier 2013. Pourquoi ? Car l’objet de ce contrat n’est pas d’occuper le domaine public pendant 2 ans mais, selon l’article 8 de la convention, d’occuper le domaine public pendant 74 jours pendant les fêtes de fin d’année à l’époque dite des Illuminations des Champs-Elysées. Ainsi, peu importe la date du 12 octobre, il aurait pu être signé le 20 août. Cela ne signifie pas qu’il faut occuper le domaine public dès le 1er jour de la convention ».
Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion 
 

Dans le raisonnement juridique du conseil de la SARL Loisirs Associés, la date de signature du contrat n’est pas la date de début du contrat.
 
« On confond deux choses : l’objet du contrat de 74 jours et la date du contrat. On voit bien avec ce raisonnement que nous avons saisi le juge administratif en référé, et c’est la question à trancher, dans une période contractuelle. Pourquoi ? C’est un peu technique et c'est dans mes écrits (…) mais je vais le présenter à l’oral quand même.

Ce qui se passe : c’est un renouvellement exprès (…) Dans le contrat, l’occupation temporaire du domaine public est de 2 ans renouvelable 2 fois « dans les mêmes termes » et dure 74 jours à chacune des saisons.

Chaque année, Loisirs Associés a 74 jours pour occuper temporairement le domaine public pour exploiter un Marché de Noël, montage et démontage compris. Entre 2008 et 2015, il y a eu des changements. Un contrat de 1 an, un contrat de 2 ans, un contrat de 2 ans renouvelable puis en 2015 un contrat de 2 ans avec un renouvellement tacite avec la possibilité d’un non-renouvellement ».
Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion 
 

Trois conditions pour résilier la convention


« Le contrat est déjà renouvelé »

« Surtout, il existe des courriers qui attestent le renouvellement tacite de la convention. Il s’agit de la pièce 56, une pièce capitale : une lettre du 29 décembre 2016 refuse expressément de faire droit à la demande de la SARL Loisirs Associés de prolonger l’occupation de 8 jours supplémentaires. On lui a signifié qu’il n’y aurait pas 8 jours de plus contrairement à l’année précédente ».

Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion
 

Le 13 novembre 2015 c’est la soirée d’inauguration du Marché de Noël et le soir des attentats au Bataclan et dans des cafés et brasseries des 10e et 11e arrondissement.
 
« Le Marché de Noël a été fermé. La Ville de Paris avec Bruno Julliard Premier adjoint au Maire de Paris, sans écrit, sans notifier le moindre avenant, accorde 8 jours de plus pour cette année. La convention est de 74 jours mais comme il n’y a pas eu d’exploitation pendant 74 jours, Bruno Julliard accorde sans formalisme 8 jours d’exploitation supplémentaires.
 
Marcel Campion, en 2016, demande à bénéficier d’une prolongation de 8 jours d’occupation du domaine public du fait qu’il a été exposé à des dépenses non prévues à la conclusion du contrat (il a fait installer des blocs en béton pour empêcher les voitures de pénétrer sur le Marché de Noël, des caméras de vidéo-surveillance (…) pour un montant de 350 000 euros) et pour une bonne économie du contrat.
 
Par écrit au printemps 2016, on lui répond que ce n’est pas envisageable. Et comme Marcel Campion refait sa demande 11 mois plus tard, il reçoit ce courrier du 29 décembre 2016 dans lequel on lui demande de maintenir l’exploitation sans avoir un seul jour supplémentaire.
 

 

On lui explique qu’il doit maintenir l’exploitation du Marché de Noël pendant 74 jours et qu’il serait immédiatement sanctionné par une résiliation en cas de dépassement des 74 jours d’exploitation : ce serait une résiliation pour faute. En aucun cas, on ne fait état d’un risque de non renouvellement car pour la Ville de Paris, le contrat est déjà renouvelé.

Maître Jeremie ASSOUS avocat de Marcel Campion

 
Il aurait fallu l’évoquer avant le 13 janvier 2017, mais encore aurait-il fallu un motif d’intérêt général.
 
Le 11 janvier 2017, Marcel Campion reçoit un e-mail de fonctionnaires de la Ville de Paris, pièce 57. Il s’agit d’un e-mail de félicitations adressé à la société Scoop, à la société fournisseur d’électricité et à la société Loisirs Associés, avec 30 personnes destinataires du message. Il y a tout l’état-major de la Ville de Paris, le Ministre de l’Intérieur et le Préfet de police.
 
Un point important : outre les félicitations, on les sollicitait pour des observations et commentaires pour la prochaine édition.
 
Donc, au cours du mois de janvier 2017, les responsables de la Ville de Paris parlent de l’édition 2017-2018. Mieux, le 6 mars 2017, un responsable de la Ville de Paris transmet à la SARL Loisirs Associés toutes les candidatures reçues pour demander un chalet pour le Marché de Noël 2017-2018 en demandant de bien vouloir les recevoir et examiner leur candidature.
 
Le 29 décembre 2016 : un courrier fait état a contrario du renouvellement tacite de la convention.
Le 11 janvier 2017 : un e-mail félicite les organisateurs.
Le 6 mars 2017 : une réunion pour la nouvelle édition est annoncée ».
 


« Le contrat a été reconduit tacitement »

Lees avocats des parties : Maître Régis Froger (à gauche) pour la Mairie de Paris et Maître Jeremie Assous (de dos) pour la SARL Loisirs Associés) © VD / PT
La pièce 59 évoque la volonté de la Ville de Paris de conclure un contrat de 6 ans fractionné par période de 2 ans. Maître Jeremie ASSOUS évoque un rapport de 2080 pages.

« Quand le titulaire d’une occupation du domaine public prend à sa charge plus de 200 000 euros de frais d’investissement, l’occupation temporaire va de 5 ans à 50 ans. 50 ans, ça, c’est pour LVMH. Mais il n’y a jamais d’occupation du domaine public pendant 2 ans si on a investi plus de 200 000 euros.

Aujourd’hui, sur 300 conventions d’occupation du domaine public, on dit que c’est possible s’il s’agit de la société Loisirs Associés et de Marcel Campion. Et on le dit le 3 juillet 2017.
 
La Mairie de Paris envoie une lettre en vertu d’une volonté (de qui ?) de varier les modalités et on met un terme à la convention.
 
C’est intéressant : depuis 10 jours, des élus, sauf la Maire de Paris (elle a bien raison de ne pas faire de déclaration), expliquent que le Voeu est l’expression de la volonté de la Ville de Paris (...)
Ce Voeu n’a pas de valeur juridique, d’ailleurs dans ses mémoires, la Ville de Paris n’en parle pas.
 
Qui est à la base de cette idée ? (…) Pourquoi ? C’est Bruno Julliard qui vantait les bienfaits d’un contrat de 6 ans : de quelques milliers d’euros en 2008, la redevance est de 700 000 euros depuis 2015, soit une moyenne de 3 000 euros par chalet. Sur les 11 autres marchés de Noël à Paris, la moyenne est de 1 150 euros maximum par chalet.

Il s’est passé quelque chose. Que s’est-il passé pour passer du statut de chouchou à celui de paria ?
On le sait tous : il y a eu une campagne de presse contre Marcel Campion.
Il y a eu une enquête préliminaire, puis une information judiciaire, puis la médiatisation de la mise en examen de Marcel Campion prononcée par le juge d'instruction le 31 mai 2017 à 22h30 et annoncée dès le 1er juin dans la presse pour recel de favoritisme et abus de bien social.
 
L’attitude de la Ville de Paris s’est totalement transformée. Dans le secret du cabinet, on évalue le risque pour la Ville de Paris et le meilleur moyen de se protéger contre une mise en examen c’est de couper tout lien contractuel avec Marcel Campion.
 
On ordonne la mise à mort de manière totalement infondée, la mort des commerces, pas les forains, les commerçants, qui ont contracté pour participer au Marché de Noël. Et pourquoi ?
 
Parce que la Ville de Paris a décidé de manifester l’absence totale de lien et de se désolidariser d’avec Marcel Campion en espérant qu’ainsi elle sera à l’abri d’une mise en examen par le magistrat instructeur.
 
A la Ville de Paris et notamment à la Direction des Affaires Juridiques, on ne veut pas faire durer le Marché de Noël jusqu’en janvier 2019 ; même si les instructions du Pôle financier sont lentes, elles arriveront avant janvier 2019.
 
Et comme la Ville de Paris ne peut pas résilier sans motif, on essaie d’en inventer un (comme l’absence de sécurité) ; la lettre du 3 juillet 2017 met l’accent sur la sécurité.
 
La Mairie de Paris est disposée à ne prendre aucun risque. Ce qui la gêne : il faut un motif d’intérêt général et il faut indemniser la SARL Loisirs Associés.
On ne peut pas dire d’un côté qu’il n’y a pas de lien avec Marcel Campion et de l’autre lui remettre un chèque. Cela ferait mauvais genre, vouloir laver plus blanc que blanc et donner un chèque de 5 millions d’euros. Cela fait désordre donc ce qu’on fait : on invente.
Et donc on parle de présomption d’illégalité.

 
Nous allons savoir dans les deux mois l’issue du recours au fond déposé le 6 septembre 2017 sans demande d’indemnités. Par contre, nous considérons que le contrat a été renouvelé et que le contrat a une valeur. C’est pourquoi nous avons tenté de nous installer de façon légale. Le Préfet de police s’est trouvé entre Loisirs Associés, qui dit que le contrat a été tacitement reconduit, et la Ville de Paris qui dit que le contrat est résilié. Le Directeur de cabinet a demandé une médiation à la Ville de Paris qui a refusé. Cela a son importance. Le juge administratif a le pouvoir d’ordonner une médiation. Au début novembre, Loisirs Associés a voulu s’installer comme les années précédentes. Marcel Campion écrit aux services de police qui l’invitent à saisir le juge administratif et Loisirs Associés se retrouve devant votre juridiction. C’est important car sur le premier moyen, il n’y a pas de difficultés : le contrat a été reconduit tacitement.
 
Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion

15h15 : « il n’y a jamais eu de prolongation tacite »


La Présidente TASTET-SUSBIELLE donne la parole à la Ville de Paris.

Maître Régis FROGER répond à titre liminaire sur le point de droit « pour respecter votre prescription et pour répondre ».
Sur la recevabilité de la requête : « vous devez déqualifier (…) Nous sommes sur un contrat de reprise de contrat classique et là, il y a un problème : le référé est postérieur au terme du contrat. On le conteste en fait : jusqu’à présent, tout le monde était sur une occupation de 2 ans renouvelable 2 fois à compter de la signature le 12 octobre 2015. Cela signifie que le terme est le 12 octobre 2017 ».

Maître Régis FROGER, avocat de la Ville de Paris.

 
« On me dit que la Ville de Paris confond tout. Je ne vous ai pas répondu au sujet de votre raisonnement par l’absurde : c’est au 12 janvier 2017 qu’arrive à échéance le 1er Marché de Noël. Votre théorie sur la reconduction de la convention en janvier ne tient pas. « On s’y perd. Ce n’est pas sérieux ».
Si on suit cette théorie, il y aurait un problème de séquence juridique des contrats (…) Et sur la recevabilité, si on franchit cette deuxième étape, il y aurait une 3e saison de Marché de Noël avec son terme le 12 janvier 2019 et un renouvellement tacite. « Ce n’est pas sérieux car il n’y a pas d’occupation tacite du domaine public ».
Sur un élément de fait : « Cet argument est inopérant ».

Deuxième argument : nous ne l’avons pas produit plus tôt mais il est inexact de dire qu’il y a eu des jours supplémentaires sans écrit. Un arrêté du 4 janvier 2016 a été pris par la Maire de Paris. Donc, il n’y a jamais eu de prolongation tacite.

Maître Régis FROGER, avocat de la Ville de Paris.

 
La Présidente TASTET-SUSBIELLE demande le document remis en main propre par Maître Régis FROGER au greffier Madame MENDES. Le greffier se lève et le lui apporte. La Présidente le lit tandis que l’avocat de la Ville de Paris poursuit la défense de sa cliente.

 

« La tacite reconduction résulterait d’un e-mail de janvier 2016 donc postérieure à l’édition du Marché de Noël. C’est un échange de e-mail entre services pendant le contrat en cours. Et le 3 juillet 2017, c’est clair. Le terme du contrat c’est le 12 octobre 2017. La fin n’est pas contestable. »

Deuxième observation : sur l’urgence car il s’agit d’un référé-supension. S’il y a urgence, pourquoi avoir attendu le début novembre pour déposer un référé ?

Deuxième point : la situation financière de Loisirs Associés. Il y a une absence de lisibilité sur la situation financière de Loisirs Associés avec des dépenses d’investissement déjà amorties pendant les deux premières années. Les chalets ont été acheté en 2009. L’audit indique des recettes de 4,5 millions d’euros. Dans le détail, le coût : 2,5 millions d’euros ; le chiffre d’affaire généré : 4,5 millions d’euros à chaque édition ; et le résultat : 2 millions d’euros.

Que le contrat ne soit pas renouvelé au bout de deux ans, c’est un risque que Loisirs Associés a accepté de prendre. Marcel Campion parle des situations des forains. La Ville de Paris gère son domaine public en conciliant toutes les parties. Loisirs Associés ne gère pas les intérêts des commerçants, ce ne sont pas des salariés.

Les commerçants auraient signé un contrat pour rester 6 années alors que la Ville de Paris donne 2 ans renouvelable 2 fois.

Maître Régis FROGER, avocat de la Ville de Paris.

 


« L'intérêt général de la Ville de Paris »

« Troisième point : sur le fond, sur l’intérêt général ». Maître Régis FROGER cite une jurisprudence de 2017 du Conseil d’Etat.
« Deuxième élément : on veut varier les acteurs compte-tenu de ce site exceptionnel. C’est cela l’intérêt général. Jusque-là, il était comptable. Et là, on veut une plus-value avec quelque chose de neuf. Je ne suis pas obligé de faire des activités. Il peut servir aux piétons.

Pour la justice administrative, il n’y a pas de droit acquis à l’occupation du domaine public. C’est la Ville de Paris qui considère ce qu’est l’intérêt général. On dit qu’il faut entendre les différentes parties : il y aura d’autres contrats d’occupation à venir. Il y a d’autres Marchés de Noël à Paris ».

Maître Régis FROGER, avocat de la Ville de Paris
 

« Et il y a un aspect sécurité qui justifie l’intérêt général.
En avril 2017, Loisirs Associés demande à la Ville de Paris de revoir les conditions financières car elle ne peut plus prendre la sécurité à sa charge et verser 700 000 euros de redevances. L’audit le dit : le budget sécurité est le plus faible !
Voilà qui fonde l’intérêt général.
Je considère que d’aller devant le juge administratif c’est un détournement de procédure, on aurait pu demander au juge des contrats puisque c’est une résiliation.
Merci ».

 


15h30 : « Respecter l'esprit de la convention »

Une avocate s’avance pour prendre la parole au micro. La Présidente TASTET-SUSBIELLE lui demande son nom : « Marie-Alix Canu-Bernard, en charge des affaires pénales de Marcel Campion ».
Elle précise qu’elle n’est pas une habituée des juridictions administratives et elle tient à apporter des explications.
« Je sais lire une convention (…) l’esprit de la convention. Le chapitre VI s’intitule ‘Durée des horaires de la manifestation’, et non ‘Durée d’exploitation’ (…) Effectivement, cette clause n’est pas une clause de renouvellement. En 2015, il y a des relations de confiance qui existent depuis des années donc rien n’est prévu. On est dans une convention de la Ville de Paris (…) cette convention est passée dans les mains de tous les services avec les modalités de forme, de fond, par e-mail, par écrit, une convention de ce type se prépare un an à l’avance ! » 

Marie-Alix CANU-BERNARD, avocate de Marcel Campion
 

« Si l’équilibre de la convention se trouve dans l’article 10 avec les 3 conditions prévoyant le non-renouvellement, où serait l’équité entre les parties s’il existe une possibilité de résilier à tout moment ?
La lettre du 3 juillet 2017 est d’une hypocrisie totale. La Ville de Paris se croit encore en monarchie. Elle est hypocrite car elle mentionne un voeu. Et on veut faire croire que la lettre est consécutive d’un voeu alors qu’elle existait avant le voeu !
Il faut rendre au contrat l’esprit de la convention ».

 


15h35 : « Le véritable motif d’intérêt général ? Rien ! »

Maître Jeremie ASSOUS remercie son confrère Maître Régis FROGER : « Merci, merci car la prolongation a commencé le 2 janvier. Parce que des articles de presse sont parus, un arrêté a été pris le 4 janvier ».
 
« C’est important : Vous ne verrez à aucun moment la possibilité de ne pas renouveler. Conformément à ce que dit la Ville de Paris, seule cette dernière le peut, et Loisirs Associés est totalement liée. C’est l’esprit du contrat, un contrat qui ne va pas au-delà de 6 ans et qui peut être résilié comme le prévoit l'article 10.
 
Mais, pour des raisons que j’ignore, on crée cet argument de refus de renouveler pour une période de 2 ans.
Et on se dit qu’il faut un motif d’intérêt général : la sécurité.
Alors que c’est le plus grand Marché de Noël de France, il avait le budget sécurité le plus faible. Merci de signaler cela publiquement et à l’ensemble de la salle.
 
Loisirs Associés a fait installer des caméras à la charge de Marcel Campion. Il sait qu’il faut sécuriser les lieux et c’est le premier à avoir pensé à mettre des plots en béton, et la Préfecture de police aurait été bien inspirée de s’en inspirer avant l’attentat de Nice.
Monsieur Cazeneuve a félicité Marcel Campion car il n’y a eu aucun délit majeur sur le Marché de Noël. Vous avez l’indécence de soulever cette question ?
 
On veut varier l’occupation du domaine public et que va-t-on y mettre à la place ? Rien !
L’alternance, c’est le néant.
Les services juridiques de la Ville de Paris n'ignorent pas que 242 commerçants réalisent entre 60 et 70 % de leur chiffre d’affaire annuel sur le Marché de Noël. Médiatiquement ils soutiennent que le véritable motif d’intérêt général c’est la qualité. Alors qu’une lettre d’Anne Hidalgo en 2010 parle d’une qualité exceptionnelle !
 
La Maire du 8e arrondissement disait en 2016 que la qualité ne cessait d’augmenter, que c’est exceptionnel (et récemment, la Maire du 8e dit qu'il y a un problème de qualité).

 
Qui peut avoir un stand ? 75 % des commerçants sont français, 95 % des produits sont français.

Ce n’est pas Loisirs Associés qui choisit. Conformément aux clauses, c’est le seul Marché de Noël de la Ville de Paris avec un comité de sélection prévu par Bruno Julliard qui voulait éviter les critiques.

Bruno Julliard déclarait devant le conseil de Paris qu’il fallait conclure un appel à projet avec 2 conditions : une condition écologique, et c’est le premier Marché de Noël écologique, et un comité de sélection pour choisir l’ensemble des artisans.

Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion
 


15h45 : « Pourquoi autant d’annonces en si peu de temps ? »

La Présidente TASTET-SUSBIELLE demande à l’avocat de conclure : « Terminez ! »
Maître Jeremie ASSOUS termine sa plaidoirie : « Loisirs Associés n’a pas le droit de siéger dans le Comité de sélection qui comprend la mairie du 8e arrondissement, la Mairie de Paris et la Chambre de Commerce et d’Industrie. Les prix sont de 2 900 euros / chalet et on impose un prix de 750 euros / chalet pour 40 artisans et 35 chalets pour des apprentis.
 
La Ville de Paris n’hésite pas à dire des éléments de langage et ce qu’elle dit est à l’exact opposé de la réalité (...)
Il y a une mise à mort des forains (...).

Le contrat ne prévoit pas d’échange de signatures. Merci de l’aveu. Le 4 janvier 2016, Marcel Campion n’a pas signé quoique ce soit (...).
 
Deuxième élément : le contrat dit simplement que le contrat est renouvelable dans les mêmes termes.
 
La mairie du 12e arrondissement a fait un voeu le 3 novembre (voté le 6 novembre, ndlr) pour diviser par deux la superficie de la Foire du Trône. Donc 50 % des forains seront exclus de la fête. Et la fête de la Bastille (…) cela ne suffit pas. Le 9 novembre, nous apprenons que c’est la dernière année de la Grande Roue place de la Concorde.
 
Pourquoi autant d’annonces en si peu de temps ? Nous savons qu'on est prévenu dans un délai d'au moins 4 jours avant le rendez-vous chez le juge d'instruction pour être mis en examen. Le 10 novembre, la Ville de Paris est mise en examen pour favoritisme, donc on peut légitimement penser que toutes ces annonces étaient uniquement faites dans l’espoir de convaincre un magistrat instructeur qu’il n’y a pas de favoritisme et donc qu'il n'y a pas lieu d’être mis en examen ».

Maître Jeremie ASSOUS, avocat de Marcel Campion 


15h50 : chaque partie campe sur ses positions

La Présidente TASTET-SUSBIELLE : « Finissez Maître »
Maître Jeremie ASSOUS : « Je vous demande de faire droit à l’intégralité de nos demandes ».
Maître Régis FROGER, avocat de la Ville de Paris, reprend également la parole : « Sur l’intérêt général, deux observations.
Sur le budget de la sécurité : C’est bien dit, Marcel Campion ne peut pas assurer la sécurité (…) Et maintenant, il veut autre chose ».

La Présidente TASTET-SUSBIELLE propose : « Je peux faire un report de dépôt de conclusions » avant de clôturer l’examen de cette affaire pour permettre aux avocats de communiquer d’autres pièces jusqu’à la fin de la journée.
Le mot de la fin porte sur Marcel Campion « quelqu’un d’extrêmement aguerri et qui connaît parfaitement son métier » ainsi que sur « la Ville de Paris » et la mise en place ou pas d’un « Marché de Noël 2017-2018 ».
 
Une fois la Présidente sortie de la salle d’audience, le magistrat chargé du Pôle communication annonce qu’un communiqué sera envoyé aux rédactions sitôt le jugement connu.
 

Une décision attendue à partir du 16 novembre

La décision de Madame la Présidente, Juge des référés, est attendue pour le jeudi 16 ou le vendredi 17 novembre 2017.
 
La salle d'audience du Tribunal administratif de Paris © VD / PT

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Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales… En savoir plus sur cet auteur
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