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Un élu peut être critiqué plus librement que les citoyens ordinaires

La France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme le 6 octobre 2011 pour avoir violé la liberté d’expression.


L'invective politique dans le cadre du mandat syndical fait partie intégrante du droit à la liberté d'expression.


11 Octobre 2011 - 11:00
     

Un élu peut-il faire condamner des syndicalistes un peu trop critiques à son égard ? L'invective politique dans le cadre du mandat syndical peut-elle être sanctionnée par les juges ?

Dans la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 6 octobre 2011, l'invective politique dans le cadre du mandat syndical fait partie intégrante du droit à la liberté d'expression.

Dans cette affaire, deux syndicalistes de l’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) distribuent des tracts : une fonctionnaire de police, ayant eu un litige avec un maire, ayant été sanctionnée par celui-ci et mise en cause dans deux numéros du bulletin municipal, porte plainte pour injures publiques et subornation de témoin.
Ils sont attaqués par le maire pour des propos, selon celui-ci, "clairement diffamatoires", dans le but de le discréditer en tant qu’élu aux yeux de la population de sa commune.

Maître Gérard Ducrey , Avocat au Barreau de Paris commente pour Paris Tribune la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 6 octobre 2011. Une décision qui doit inciter les élus de Paris à ne pas demander à des juges d’arbitrer le débat public, même polémique, car il participe à la société démocratique.

Maître Gérard Ducrey, Avocat au Barreau de Paris, au Palais de Justice de Paris - Photo : VD.
Maître Gérard Ducrey, Avocat au Barreau de Paris, au Palais de Justice de Paris - Photo : VD.
L’élu, invoquant sa qualité, décide de poursuivre les deux syndicalistes en diffamation. C’est d’abord un succès. La Cour d'appel de Bordeaux confirme le jugement du tribunal correctionnel. Les syndicalistes, pour les juridictions françaises, ont abusé de la liberté d'expression pour dénoncer des faits particulièrement graves sans les étayer par une démonstration appropriée et en les assortissant de qualificatifs déplacés. La Cour de Cassation n’accueille pas favorablement le recours des syndicalistes. Persévérants, ils saisissent alors la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui vient de rendre sa décision.

Dans son arrêt de Chambre du 6 octobre 2011, la Cour rappelle que les critiques admissibles à l'égard d'un homme politique sont plus larges que celles d'un simple particulier. Exposé inévitablement et consciemment à un contrôle tant des journalistes que de la masse des citoyens, l'homme politique doit faire montre d'une plus grande tolérance à la critique. La Cour souligne que les propos litigieux ont participé à un débat d'intérêt public, domaine dans lequel la Convention ne laisse guère de place à des restrictions au droit à la liberté d'expression. Le débat présentait en soi une réelle vivacité. Dans ce cadre, il est permis, comme à toute personne qui s'engage dans un débat public, de recourir à une certaine exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos.

La Cour européenne considère également que la condamnation infligée par les juridictions françaises aux deux syndicalistes, soit une amende de 1 000 € pour chacun et le paiement de 5 000 € de dommages-intérêts à titre solidaire, est disproportionnée au vu des faits reprochés.

La France est en conséquence condamnée pour avoir violé la liberté d’expression des deux syndicalistes et elle doit leur payer la somme de 4.000 €, à chacun, pour leur dommage matériel, et celle de 6.338,80 €, conjointement, pour les frais et dépens. La décision n’est pas encore définitive, le délai de recours devant la Grande Chambre expire le 6 janvier 2012. Il semble peu probable que la France la saisisse.

Par Vaea Devatine et Maître Gérard Ducrey Avocat.
 


 

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Vaea Devatine
Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales... En savoir plus sur cet auteur


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