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Le président de l'autorité polynésienne de la concurrence saisit la justice contre la présidence de la Polynésie française

Gros plan sur le référé suspension dans lequel le président démis d'office de l'autorité polynésienne de la concurrence attaque en justice.


La première autorité administrative indépendante créée par la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française fait parler d'elle : l'ambiance au tribunal administratif avant le compte rendu d'audience.


15 Août 2020 - 20:30
     

Jacques Mérot contre un arrêté du Président de la Polynésie française devant le tribunal administratif de Papeete - Covid oblige, tout le monde avance masqué et les bancs sont scellés de scotch pour faire respecter les gestes barrières © VD/MT
Jacques Mérot contre un arrêté du Président de la Polynésie française devant le tribunal administratif de Papeete - Covid oblige, tout le monde avance masqué et les bancs sont scellés de scotch pour faire respecter les gestes barrières © VD/MT
La décision prise par le Président de la Polynésie française de démettre d'office le président de l'Autorité polynésienne de la concurrence est-elle contraire aux garanties d'indépendance accordées par une loi organique et une loi nationale à une autorité administrative indépendante ? (1) 

En Polynésie française, la collectivité, grâce à son statut d'autonomie interne de 2004 (dernière modification le 7 juillet 2019), a la faculté de créer, pour l’exercice de ses compétences, des autorités administratives indépendantes (AAI). C'est ainsi qu'en 2013 le Président Sénateur de la Polynésie française Gaston Flosse, revenu au pouvoir, enclenche un projet de « loi du pays » portant réglementation de la concurrence avec la création d'une autorité polynésienne de régulation de la concurrence : saisi, le Conseil Economique Social et Culturel de la Polynésie française (CESC) adopte en commission et en assemblée plénière le projet de « loi du pays » (2). En septembre 2014, Edouard Fritch devient Président à la place de Gaston Flosse rendu inéligible pour trois ans. Le 23 février 2015, l'Assemblée de la Polynésie française vote la « loi du pays » n° 2015-2 créant une autorité administrative indépendante baptisée « Autorité polynésienne de la concurrence » (3). C'est une première dans une collectivité d'outre-mer.

Cinq ans plus tard, une affaire pas comme les autres, à plus d’un titre, est inscrite au rôle du tribunal administratif de Papeete le 13 août 2020 : Jacques Mérot, Président de la première Autorité administrative indépendante en Polynésie française, l'« Autorité Polynésienne de la Concurrence (APC) », conteste sa démission d'office par le Président de la Polynésie française Edouard Fritch.

C'est aussi la première audience publique pour le nouveau Président du tribunal administratif, Pascal Devillers. Dans son poste précédent, il présidait la chambre à la Cour administrative d’Appel de Nancy. A Tahiti, il doit juger sa première affaire en tant que Juge des Référés avec un requérant qui est magistrat comme lui mais du corps des membres des chambres régionales des comptes.
 

Le référé suspension

Lors de l'audience du jeudi 13 août pour l'examen du référé suspension déposé par Jacques Mérot, les plaidoiries ont duré environ une heure trente. Le Juge des Référés doit maintenant rendre sa décision et l'ordonnance est prévue pour le lundi 17 août.

Pour suspendre les effets des arrêtés du Président de la Polynésie française et du Conseil des Ministres, le référé suspension doit remplir des conditions, outre un recours déposé devant le tribunal administratif en annulation desdits arrêtés : l’urgence doit être démontrée ainsi que l’exigence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte.

En règle générale, la seule condition de l’urgence permet souvent au magistrat de régler le problème des « cases à remplir » pour pouvoir prendre sa décision. Autant dire que les arguments des deux côtés de la barre sur « l’urgence » à suspendre la décision du Président de la Polynésie française, par Maître François Mestre, l'avocat de Jacques Mérot, ou le « pas d’urgence », par Maître Vincent Dubois, l'avocat de la Présidence de la Polynésie française, ont été hautement et clairement exprimés. Ce fut également le cas s'agissant du « manque d'impartialité » reproché à Jacques Mérot par Maître Vincent Dubois au nom de son client.

Cela n'a rien à voir avec l'affaire mais Jacques Mérot était magistrat de la Chambre territoriale des comptes de 2006 à 2011. Suite au premier examen de l'OPT par la Chambre, le Procureur de la République s'est saisi du dossier qui lui a été transmis en 2007, le rapport ayant été rendu public en 2008. C'est l'affaire de l'annuaire de l'OPT autrement appelé affaire Haddad - Flosse. Après l'annulation du jugement de condamnation en appel (prison ferme, amende, inéligibilité), l'affaire s'est terminée en novembre 2019 par une prescription des faits à l'encontre de l'ensemble des mis en examen, comme l'a confirmé Maître Vincent Dubois, avocat de la compagne de Gaston Flosse (4) et gendre de celui-ci (5).
 

L'affaire

Il est 10h04 lorsque le Président Pascal Devillers entre dans sa nouvelle salle d’audience.
 
- « Monsieur le greffier, vous pouvez appeler l’affaire ».
 
Jacques Mérot demande la suspension de l’exécution de l’arrêté n° 524/PR du 31 juillet 2020 (6) du Président de la Polynésie française portant démission d’office du Président de l’Autorité polynésienne de la concurrence à compter du 3 août 2020.
 
L’arrêté présidentiel a été suivi d’un arrêté n° 1168 (7) pris en Conseil des Ministres le 3 août 2020 portant fin de fonction de Monsieur Jacques Mérot en qualité de Président de l’Autorité polynésienne de la concurrence.
 
Jacques Mérot demande sa réintégration à son poste dans un délai de 8 jours ainsi que 200.000 fcp au titre de l’article L. 761-1 du Code de Justice administrative, relatif aux frais spécifiques occasionnés par lui pour sa demande en référé suspension. 
 

Le rapport de Pascal Devillers

Le Juge des Référés rapporte l’affaire.
 
Sur l’urgence : Jacques Mérot est privé de sa rémunération à partir du 4 août 2020. Sans paye, il est considéré comme étant en situation précaire. Son épouse touche une retraite qui ne permet pas à la famille de faire face à toutes ses charges (8). Un fils est encore étudiant. Sans son salaire, Jacques Mérot ne peut plus faire face aux charges du ménage dont le remboursement d’emprunt pour l’achat de trois appartements en métropole. Cette démission d’office porte aussi atteinte à son honneur et à sa réputation.
 
Sur le doute sérieux : « sanction disciplinaire », « pas d’impartialité », « décision claire », « aucune confusion  de fonction », « rapporteur général », « pas manqué au devoir de réserve ».

Sur la légalité de l’acte : « suspension si… »
 
L’APC (Autorité polynésienne de la concurrence) a produit des observations.
 
Le mémoire du Président de la Polynésie française a été produit le jour même de l’audience.
Il rejette la requête et réclame également 200.000 fcp au titre de l’article L. 761-1 du Code de Justice administrative.
Il rejette l’urgence invoquée par Jacques Mérot pour saisir le Juge des Référés en référé suspension : « indemnité d’éloignement », « retour en métropole », « pas de suspension », « pas de doute sérieux », « la légalité de la décision ».
 
- « Voilà le résumé de cette affaire » conclut le rapporteur Pascal Devillers.
 

Du côté de la salle d'audience

Assis dans la salle, des membres de la presse, de l'administration et un ex-membre de l'Autorité polynésienne de la concurrence.

La présence d’un membre du Secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, placé à côté de Maître Vincent Dubois, donne à penser que l’une des missions du Secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française a été activée : « traiter la question de droit ou procéder à une étude juridique sollicitée par le Président de la Polynésie française, le conseil des ministres ou un ministre du gouvernement » (9).

Lors du précédent référé suspension demandé par un fonctionnaire de l’Etat détaché auprès de l’Autorité polynésienne de la Concurrence contre un arrêté du ministre local de la modernisation de l’administration de la Polynésie française, abrogeant son contrat de travail et le privant d’affectation et de traitement, le Territoire a été représenté pour sa défense par deux membres du Secrétariat général du gouvernement, dont une personne du service des Ressources Humaines. Il n’y avait pas d’avocat du barreau de Papeete pour défendre le Territoire (10).
 
Dans le dossier Jacques Mérot contre une décision du Président de la Polynésie française, aucune ressemblance avec celui en référé suspension du 31 juillet. Ici, la salle d’audience est pleine contrairement à l’affaire précédente. Il y a beaucoup de journalistes, signe que l’affaire intéresse les médias, et aussi des personnes plus ou moins connues. Tous portent le masque. Coronavirus oblige, c’est aussi le cas du Président Juge des Référés et du greffier.

Florent Venayre, maître de conférences en Sciences Economiques à l’Université de la Polynésie française, spécialisé en économie de la concurrence et de la réglementation, assiste à l'audience. C'est un ex-membre de l’Autorité polynésienne de la concurrence de 2015 à 2017 (11).

A côté de lui, se trouve une jeune personne dont on aurait pu penser, pour un non-averti, qu’il s’agit d’une assistante du cabinet SELARL Fenuavocats (B. Malgras - V. Dubois  - C. Rousseau-Wiart), du nom indiqué sur l’épais dossier de couleur orange de Maître Vincent Dubois. Alors que tout le monde demeure concentré et attentif à ce qui se dit et se joue dans la salle d’audience, la jeune femme fait passer à deux reprises des informations s’affichant sur son téléphone à l’avocat, agite les bras, ou encore secoue la tête : il s’agit en réalité de Sabine Bazile, la directrice des affaires économiques depuis octobre 2019 et ex-conseillère technique chargée des affaires juridiques à la vice-présidence.
 
Son ministre de tutelle reste le vice-président de la Polynésie française, Teva Rohfritsch, à qui incombe la responsabilité de l’Economie, une compétence de la collectivité d’outre-mer. A ce titre il a en charge le droit de la concurrence. Radio 1 relate qu’en décembre 2016 il avait mal accueilli l’avis de l’APC « égratignant les propositions du ministre » concernant la réforme du secteur de la perliculture : « plusieurs dispositions du projet sont de nature à introduire des distorsions de concurrence » avait avisé l’autorité administrative indépendante (12).
 
Le droit de la concurrence fait débat en Polynésie française. L’Université française du Pacifique à Tahiti s’y intéresse également avec des universitaires qui entendent jouer un rôle dans ce secteur clé en Polynésie française. Un colloque s’est d’ailleurs tenu à l’UPF en novembre 2017 : « Le droit de la concurrence en Polynésie française et dans les petites économies insulaires du Pacifique : bilan et perspectives » (13).

A la lecture de la synthèse du colloque (14), des tensions sont lisibles entre des universitaires qui semblent revendiquer une certaine expérience en la matière face à l’expérience certaine de fonctionnaires de l’Etat rompus à l’exercice du droit de la concurrence au sein de l’Autorité polynésienne de la concurrence (à propos, deux postes de rapporteur sont actuellement à pourvoir au sein de l’APC, ndlr) (15).

A la lecture de cette synthèse, on a hâte de lire les actes du colloque dans son intégralité. Mais il faut payer 39 euros (5.000 fcp) pour lire l’ensemble des 260 pages des interventions (16) en partenariat avec LexisNexis « En France, LexisNexis est l'acteur leader des solutions d’information et d'analytics pour les professionnels du droit et du chiffre » (17). Par ce fait, on comprend que le secteur du droit de la concurrence en Polynésie française représente un secteur rémunérateur avec de multiples possibilités de commerce des prestations intellectuelles.
 
Vient le temps des plaidoiries des conseils de Jacques Mérot et du Président de la Polynésie française Edouard Fritch. A l’oral, l’un fait du droit tandis que l’autre non. La procédure étant écrite, ce qui compte ce sont les écritures remises au Juge des Référés dans les délais.


***

Articles liés :
  1. Compte-rendu d'audience : le président de l'autorité polynésienne de la concurrence saisit la justice contre la présidence de la Polynésie française.
  2. Présidence de l'Autorité polynésienne de la concurrence : Jacques Mérot perd sur l'urgence du référé suspension.

***
 

Sources citées :
(1) LOI organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et LOI n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
(2) Projet d'avis du Conseil Economique Social et Culturel de la Polynésie française (CESC) sur le projet de « loi du pays » portant réglementation de la concurrence (cf. document PDF à télécharger)
(3) « Loi du pays » n° 2015-2 du 23 février 2015 créant une autorité administrative indépendante baptisée « Autorité polynésienne de la concurrence ».
(4) Affaire Haddad/Flosse : Le dossier qui fait pschitt - La Dépêche de Tahiti sur Actu.fr - https://actu.fr/polynesie-francaise/_987/affaire-haddad-flosse-dossier-fait-pschitt_29575763.html  (20 novembre 2019) - Extrait : « Les faits sont prescrits à l’encontre de l’ensemble des mis en examen, a confirmé Me Dubois, l’avocat ».
(5) Polynésie : divorce consommé dans le parti de Flosse - Le Point avec l'AFP - https://www.lepoint.fr/politique/polynesie-divorce-consomme-dans-le-parti-de-flosse-04-04-2015-1918633_20.php  (4 avril 2015) - Extrait : « Les candidats officiels du Tahoeraa sont Vincent Dubois, un jeune avocat gendre de Gaston Flosse ».
(6) Arrêté n° 524/PR du 31 juillet 2020 non disponible sur lexpol.cloud.pf
(7) Arrêté n° 1168 pris en Conseil des Ministres le 3 août 2020 portant fin de fonction de Monsieur Jacques Mérot en qualité de Président de l’Autorité polynésienne de la concurrence (cf. document PDF à télécharger).
(8) Une retraite mensuelle non-indexée semble-t-il, cf. le montant entendu à l'audience, 247.905 fcp, sous toutes réserves.
(9) Arrêté n° 527 du Conseil des Ministres du 29 avril 2016 portant modification de l'organisation du Secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, sans changement d'attribution concernant ce point depuis l'arrêté n° 381 CM du 23 juin 2005 portant organisation du secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française (cf. document PDF à télécharger).
(10) Audience publique et ordonnance du 31 juillet 2020 : le Juge des Référés juge que « l’urgence » pour demander en référé la suspension de la décision attaquée ne peut pas être invoquée.
(11) Florent Venayre, universitaire et ex-rapporteur à l'Autorité polynésienne de la concurrence de 2015 à 2017 : « La concurrence à Tahiti : une utopie ? » au Vent des Iles - https://www.auventdesiles.pf/catalogue/collections/sciences-humaines/la-concurrence-a-tahiti-une-utopie/
(12) « Rohfritcsh : l’Autorité de la Concurrence n’a rien compris » - Radio1 (11 déc. 2016) - https://www.radio1.pf/rohfritsch-lautorite-de-la-concurrence-na-rien-compris/
(13) Le programme du colloque : « Le droit de la concurrence en Polynésie française et dans les petites économies insulaires du Pacifique : bilan et perspectives » (cf. document PDF à télécharger).
(14) Synthèse du colloque « Le droit de la concurrence en Polynésie française et dans les petites économies insulaires du Pacifique : bilan et perspectives » - archives ouvertes (cf. document PDF à télécharger).
(15) L'APC recrute : « (...) Le poste est à dominante juridique et/ou économique, sans dominante sectorielle particulière. Une expérience des procédures contentieuses judiciaires ou administratives peut être un atout (...) »
 : https://www.autorite-concurrence.pf/contact
(16) Vente des actes du colloque universitaire sur la concurrence en Polynésie française : https://www.lgdj.fr/le-droit-de-la-concurrence-en-polynesie-francaise-et-dans-les-petites-economies-insulaires-du-pacifique-9782711030071.html
(17) LexisNexis en droit et en chiffre - https://www.lexisnexis.fr/a-propos-de/LexisNexis-en-France

 




Vaea Devatine
Journaliste tahitienne. Formations universitaires modestes, en droit, en sciences sociales... En savoir plus sur cet auteur


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