Vive les droits de l’homme malgré la crise

Le président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle la responsabilité commune des Etats Européens.


Les Droits de l’Homme, en France aussi, ce n’est pas du luxe.


par Gérard Ducrey, Avocat au barreau de Paris
1 Février 2012 17:12

Le président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), Sir Nicolas Bratza, présente de manière percutante le « Rapport 2011 » de l’activité de cette haute juridiction à l’occasion de la conférence de presse annuelle du 26 janvier 2012. Et, il défend l’organe qu’il préside.

Pour lui, les Etats européens doivent assumer leur part de la responsabilité commune pour la protection des droits de l’homme sur le continent. Il relève que les 30.000 affaires similaires dont est saisie la Cour révèlent un manquement à remédier aux problèmes structurels des pays concernés et d’un défaut collectif de mise en œuvre de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, dont l’ensemble des 47 Etats membres en 2011 partage la responsabilité. La Cour n’a pas seulement besoin d’un appui financier pour faire face à sa mission mais aussi de conserver toute son autorité. Les critiques susceptibles d’être formulées par les Etats exigent une argumentation raisonnée et non de jouer sur des émotions et des exagérations. L’indépendance et l’autorité de la Cour ne sauraient être amoindries sans dommage pour les citoyens européens.

C’est une première pour le britannique Sir Nicolas Bratza, qui préside l’institution depuis le 4 novembre 2011 à la suite du retrait du président français Jean-Paul Costa atteint par la limite d’âge.

Sir Nicolas Bratza interpelle la France et les autres Etats membres : « Il semble que les droits de l’homme, l’état de droit et la justice perdent de l’importance au sein des priorités politiques dans le climat économique actuel. Or, en ces temps incertains, il importe justement de ne pas oublier que les droits de l’homme ne sont pas un luxe et que leur protection relève de la responsabilité commune. Nous ne devons pas cesser de veiller à ce que la Cour défende avec force, courage et indépendance le respect de la Convention européenne des droits de l’homme ».
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950.

Le Rapport 2011 de la CEDH illustre l’attrait de la Cour pour les justiciables et la revendication des citoyens européens pour la sauvegarde des libertés fondamentales.
Au 1er janvier 2012, environ 151 600 affaires sont pendantes devant l’une des formations judiciaires de la Cour. Plus de 60 % concernent cinq pays : la Russie, la Turquie, l’Italie, la Roumanie et l’Ukraine.
L’activité de la Cour est en constante augmentation. 64.500 nouvelles requêtes complètes en 2011 contre 27.200 en 2003.
En 2011, la Cour a examiné 52.118 requêtes et elle a rendu 1.157 arrêts sur 1.511 requêtes déclarées recevables.
En effet, certaines requêtes sont examinées par une Chambre de la Cour puis, par la Grande Chambre, lorsque les conditions spécifiques sont réunies.
Comme chaque année un nombre élevé de requêtes a été déclaré irrecevable.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme à Strasbourg © chasmer - fotolia. Groupement d'architectes : Richard Rogers Partnership Ltd, Londres, et Claude Bucher, Strasbourg.

Toujours en 2011, 23 arrêts condamnent la France pour une ou plusieurs violations de la Convention Européenne des Droits de l’Homme notamment, par ordre décroissant du nombre de violations constatées, 11 fois au regard du droit au procès équitable, 6 fois pour le droit au recours effectif, 5 fois au titre des traitements inhumains et dégradants, 1 fois au sujet de la liberté de pensée de conscience et de religion. Ce dernier arrêt du 30 juin 2011, aujourd’hui définitif, est de grande portée. La France a été sanctionnée pour la violation de l’article 9 sur la liberté de religion envers les Témoins de Jéhovah dont elle avait abusivement taxé les dons. Il mérite d’être distingué ainsi que la décision de la Grande Chambre du 18 Mars 2011, Lautsi contre Italie, sur la présence légitime de crucifix dans les écoles.

Mais, n’oublions pas l’observation toujours actuelle de Molière : « Bon droit a besoin d’aide ».


Gérard DUCREY
Avocat au Barreau de Paris
Cabinet DUCREY Avocats-libertés.
 




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