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Rapport Lindet : historique de la conduite du Roi Louis XVI avant son procès

Paris Tribune commémore le 220e anniversaire de la naissance de la République, explore la période révolutionnaire et vous emmène, en feuilleton, au procès de Louis XVI, le Roi, le citoyen Capet.


Rapport de la commission de la Convention, à la veille de la comparution du Roi Louis XVI devenu Louis Capet.


10 Décembre 2012 - 00:32
     

Le lundi 10 décembre 1792, le montagnard Jean-Baptiste Robert Lindet, avocat de profession, présente à la Convention le rapport sur la conduite de Louis XVI depuis le commencement de la Révolution.

"La conduite du Roi depuis le commencement de la Révolution"

Le rapport de la commission des vingt-et-un présenté par le conventionnel Lindet :

"Votre comité a pensé qu’il était utile de faire précéder la lecture de l’acte d’accusation (1) par un historique rapide de la conduite du ci-devant Roi depuis le commencement de la Révolution. Je l’ai rédigé dans un style simple, à la portée de tous les citoyens, et tel qu’il est possible de faire un travail de ce genre dans l’espace d’un jour et demi.

Louis a été dénoncé au peuple comme un tyran qui s’est constamment appliqué ou à empêcher ou à retarder les progrès de la liberté, et même, à l’anéantir par des attentats persévéramment soutenus et renouvelés, et qui, n’ayant pu parvenir par ses efforts et ses crimes à empêcher une nation libre de se donner une constitution et des lois, a conçu, dirigé et exécuté un plan de conspiration qui devait anéantir l’Etat.

Les attentats de Louis pendant la session de l’Assemblée constituante et pendant la session de la première législature, sont liés et tiennent à un plan unique d’oppression et de destruction.

L’acceptation de la constitution (2) couvrirait encore du voile de l’indulgence publique les crimes et les forfaits commis pendant la première session si Louis n’avait déchiré ce voile en commettant en 1792 un attentat dont le plan était conçu en 1789, et dont il avait été contraint, par l’intérêt de sa sûreté personnelle, de différer l’exécution.

La France était arrivée à ce terme où les lumières, généralement répandues, la connaissance des droits de l’homme, annonçaient une prochaine régénération : un despote isolé, chancelant sur son trône, ne pouvait plus se soutenir qu’en s’environnant des forces, de la confiance et des lumières du peuple.


Le trésor public était sans fonds, sans crédit, sans moyens pour prévenir une banqueroute générale, dont le terme n’était éloigné que de quelques jours.

L’autorité était sans respect pour la liberté des citoyens et sans force pour maintenir l’ordre public.


Ce fut sous de pareilles auspices que les premiers représentants du peuple se réunirent en Assemblée constituante.

Les premiers travaux de cette Assemblée annoncèrent les destinées de la France : Louis se proposa aussitôt de la subjuguer et de l’asservir".

Jean-Baptiste Robert Lindet (1746 - 1825)
Jean-Baptiste Robert Lindet (1746 - 1825)

Jean-Baptiste, Robert Lindet troque la robe d’avocat pour celle de procureur

Il poursuit son rapport. Il égrène des faits de manière chronologique.

"(…) L’hiver de 1791 vit former de nouveaux plans : la corruption fut le moyen dont on se servit pour assurer le succès du plan que Louis suivait constamment depuis le début de la Révolution : on forme un nouveau plan de conspiration qui embrasse toutes les parties de la France : on compte sur Lafayette ; on s’est assuré de Mirabeau".

Le rapporteur évoque ensuite la fuite du Roi dans la nuit du 20 juin 1791 et sa déclaration qui porte la même date :

"Il rédige sa déclaration adressée à tous les français à sa sortie de Paris. … Cette déclaration est écrite de sa main ; l’écriture, les corrections, les changements de composition, de rédaction, attestent qu’il en est l’auteur. Il y rappelle tous les évènements de la Révolution, les travaux de l’Assemblée nationale, le plan de la Constitution, il y discute les lois de l’Assemblée sur la Justice, l’administration, de l’intérieur, les finances, les affaires étrangères, la guerre, le clergé ; il veut le rétablissement de la religion, de sa puissance et une Constitution qui donne au Gouvernement la force d’action et de coaction qui lui est nécessaire … Il avait perdu sa liberté … ; il cherche à la recouvrer et à se mettre en sûreté avec sa famille …"

Et le rapporteur Lindet considère que "C’était sans doute un manifeste destiné à plonger la France dans les horreurs d’une guerre civile".

Il poursuit sa narration et relève :

"La guerre civile allumée dans tous les départements par le fanatisme et l’aristocratie, l’invasion des émigrés et des puissances étrangères, le maintien du Gouvernement despotique et aristocratique dans les colonies, sont les parties de ce plan, toujours suivi et auquel se rapportent la conduite et toutes les actions de Louis.

La corruption se présente encore à l’esprit de ses agents comme un moyen d’acquérir des suffrages dans le corps législatif"
.

Puis, "(…) On ne peut apprécier les secours qu’il a fourni aux émigrés".

Et plus encore, les complots avec des ennemis à l’extérieur :

"Les frères de Louis ralliaient tous les émigrés à leurs drapeaux, flottant sur les frontières de la France ; ils levaient des régiments dans les Etats de plusieurs membres du corps germanique ; ils négociaient avec les puissances étrangères ; ils faisaient des emprunts, ils traitaient avec les Etats et avec les particuliers au nom de leur frère. Différents témoins affirment avoir vu l’acte d’autorisation de Louis, et certes, sans cette autorisation, les Princes n’auraient pas trouvé les facilités qu’ils ont eues auprès de toutes les Cours et banquiers de l’Europe : ces emprunts étaient hypothéqués sur les domaines de la nation".

Et, il y a pire : "(…) Un nouvel ennemi paraissait sur les frontières (les troupes prussiennes) : Louis qui avait laissé ignorer sa longue marche au corps législatif, semblait l’attendre dans son Palais".

Quant aux troubles internes à la France

"(…) Louis s’est persévéramment refusé à concourir aux mesures qui pouvaient assurer la tranquillité de l’intérieur. (…) Le fanatisme et la politique mêlent et confondent leurs querelles ; la religion et la royauté sont les mots de ralliements, et servent de prétexte aux ambitieux qui se sont voués au service du trône, et qui commencent la guerre civile pour asservir leur Patrie.(…) A la fin de juin 1792 (…) que pouvait-on espérer du Gouvernement pour le rétablissement de l’ordre, lorsque les fonds de la liste civile (fonds à la disposition du Roi) étaient employés pour payer des libellés, à les répandre dans Paris et dans les départements, à attaquer les sociétés populaires, à irriter une partie du peuple contre l’autre, et à relever l’autorité royale, à avilir les représentants du peuple, et à substituer l’esprit de faction, les haînes et les vengeances à l’esprit de fraternité ? (…)"

Enfin, le rapporteur évoque le 10 août 1792 avant de conclure :

"La Cour provoque la journée du 10 août, journée prévue long temps auparavant. Le 9, les appartements du château (les Tuileries) se trouvent remplis d’hommes armés qui y passent la nuit. Le 10, le Roi fait la revue des Suisses à cinq heures du matin dans le jardin des Tuileries. Les citoyens de Paris, les fédérés s’avancent avec confiance vers le château, et c’est du château que l’on tire sur eux ; ils souffrent plusieurs décharges meurtrières. Il s’engage un sanglant combat entre les conspirateurs du château et les citoyens ; la tyrannie est enfin vaincue, et le trône renversé, tandis que Louis était allé chercher un asile dans le sein des représentants du peuple. (3)

Louis est coupable d’un attentat dont il a conçu le dessein dès le commencement de la Révolution, dont il a tenté plusieurs fois l’exécution. Tous ses pas, toutes ses démarches ont été constamment dirigés vers le même but, qui était de de reconquérir le sceptre du despotisme, et d’immoler tout ce qui résisterait à ses efforts. Plus fort, plus affermi dans ses desseins que tout son Conseil, il n’a jamais été influencé par ses ministres ; il ne peut rejeter ses crimes sur eux, puisqu’il les a au contraire constamment dirigés ou renvoyés à son gré.

La coalition des souverains, la guerre étrangère, les étincelles de guerre civile, la désolation des colonies, les troubles de l’intérieur, qu’il a fait naître, qu’il a entretenus et augmentés, ont été les moyens qu’il a employés pour relever son trône, ou s’ensevelir sous ses débris"
.

A l’issue de la présentation du rapport, les membres de la Convention se séparent sans débat.
Demain, 11 décembre 1792, sera une longue, intense et mémorable journée avec la lecture au Roi, à Louis Capet, de l’acte d’accusation.


Source : Débats de la Convention Nationale - Tome Deuxième Paris - A Bossange, Rue Cassette n°22 : Baudouin Frères, Rue de Vaugirard n°17 - 1828

(1) L’acte d’accusation sera lu à la Convention le lendemain, le mardi 11 décembre 1792, au Roi Louis XVI, le citoyen Capet, présent à la barre.
(2) Il s’agit de la Constitution du 3 septembre 1791 qui établit une monarchie constitutionnelle.
(3) Lire article sur le 10 août 1792 sur Paris Tribune
.

© dankalilly - Fotolia.com
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Articles :
- 10 avril 1793 - 10 avril 2013 : La Révolution s’emballe il y a 220 ans.
- La Révolution s’emballe il y a 220 ans - Partie 2.
- La Révolution s’emballe il y a 220 ans - Partie 3.
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- La Révolution s’emballe il y a 220 ans - Partie 5.
- La Révolution s’emballe il y a 220 ans - Partie 6.

- 7 novembre 2012 : Le procès de Louis XVI sur Paris Tribune.
- 3 décembre 2012 : Le Procès du Roi, il y a 220 ans.
- 8 décembre 2012 : Louis XVI peu avant le début de son procès.
- 10 décembre 2012 : Rapport Lindet : historique de la conduite du Roi Louis XVI avant son procès.
- 11 décembre 2012 : "Louis, le peuple français vous accuse".
- 21 janvier 2013 : Fin tragique de Louis XVI.

- Partie 1 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 2 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 3 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 4 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 5 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 6 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 7 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 8 : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?
- Partie 9 - dernière partie : La Terreur sous la Révolution aurait-elle pu être évitée il y a 220 ans ?

- 24 septembre 2012 : « La République est une et indivisible » depuis 220 ans
- 22 septembre 2012 : 220e anniversaire de la naissance de la République.
- 10 août 2012 : 220e anniversaire de la chute de la Monarchie.

- 5 octobre 2011 : Qui convoite la place au métro Convention ?
- 22 juin 2011 : Le Maire de Paris ne connaît pas la rue Thiers.
- 11 juin 2011 : Une guillotine à l’Hôtel Drouot.



Journaliste, coordinateur des articles sur l'histoire, culture et politique, ventes aux enchères. En savoir plus sur cet auteur


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